De la Province du Kordofan, Soudan, aux forêts ardennaises : survivre !

Un coup de cœur du Carnet

Xavier DEUTSCH, Homme noir sur fond blanc, Mijade, 2019, 217 p., 10 €, ISBN : 978-87423-114-8

Xavier Deutsch fait appel ici à toute l’humanité qu’il est possible de mettre dans un livre. Il nous présente d’une part la terrible réalité que vivent les milliers de réfugiés sur la route de l’exil. Et, d’autre part, la montée de l’intolérance, de l’ignorance et leurs conséquences en Europe.

Ils sont des milliers de réfugiés et Brahim, l’un d’entre eux, portera voix pour ces femmes, ces hommes. Lorsqu’ils fuient la guerre, ils espèrent que tout aille mieux. Que leurs familles au pays puissent vivre mieux. Qu’eux-mêmes puissent ici manger, dormir et envoyer de l’argent aux leurs. Ils espèrent oublier, le temps d’une respiration, la douleur du chemin parcouru. Ils viennent de Syrie, d’Érythrée, d’Irak ou d’ailleurs… Brahim, lui, vient du Soudan.

Province de Kordofan, Soudan. Face à son père qui le convie, en quelques minutes Brahim comprend. Il partira. Pour sa famille, parce qu’il le doit, parce qu’il le faut. Car tout manque, tout.
Si l’histoire est dure, elle commence par un geste de solidarité entre les réfugiés dans le désert. Mais la route de l’exil se profile et vogue la galère. L’arbitraire des gens investis d’un petit pouvoir qui s’arrogent un droit sur la vie des autres ou en font le commerce ; les bateaux pour la traversée, trop petits pour tous. Les douleurs physiques, les blessures, les fantômes des morts en Méditerranée… Brahim a froid : un policier après une arrestation ne lui rend pas sa veste, nous sommes en plein hiver. « Il grelotte dans son cœur. » Il ne sait plus où il est, « Brahim ne sait pas s’il marche dans le bon sens. » Car Brahim nous conte de sa voix tranquille que finalement, à chaque arrestation, on ne sait pas de combien de cases on reculera. Arrestation à Calais, retour en Italie ? Un peu plus bas ? Un peu plus haut ? La lectrice, le lecteur se trouve face à de terribles moments, où l’on recherche l’humanité chez des hommes rencontrés qui n’ont pas un geste pour Brahim blessé. Xavier Deutsch nous entraine dans la solitude immense de Brahim. Brahim qui pense qu’heureusement Abraham, compagnon de route inopiné, ne s’est pas fait prendre. Abraham a quinze ans. Seulement. Il est blessé par des policiers qui l’ont jeté d’une falaise parce qu’il a refusé le service militaire de dix ans en Érythrée. Il fuit son pays, sourd, seul. Il décide. Il ira en Angleterre, se soignera, deviendra dentiste. En attendant, il faut passer. En attendant Brahim erre dans les Ardennes et rencontre la solidarité, Gaston… puis continue sa route.

Xavier Deutsch nous dit « Dehors la nuit a éteint le pays. Dehors il pleut… » Gaston est remué par le passage de Brahim. Il se pose des questions, lorsque Brahim est arrêté, lorsqu’il revient sans attelle sur sa main, sans chaussures, dans le froid de l’hiver, qu’est-il arrivé à son pays ? Qu’est-il arrivé à la Belgique ? Gaston se dit que chacun choisira, chacun décidera d’appeler Brahim « un illégal » ou tout simplement Brahim.

Gaston solidarise. Par les actes de solidarité, par cette dédicace à « la team du parc », l’auteur nous appelle à l’humanité, « Il grandirait quelque chose de ténébreux dans le Royaume d’Europe, à quoi certains ne se résignent pas. »

Hélène Théroux