Pour le public belge francophone, les « prix littéraires » évoquent surtout les grands prix français remis chaque automne : Goncourt, Renaudot, Femina, Interallié, Médicis, Décembre et grand prix de l’Académie française. Tous voués au roman (et accessoirement à la nouvelle), ils consacrent le genre littéraire le plus prisé des lecteurs. Des auteurs Belges figurent au palmarès de la plupart de ces prix, accessibles à tout roman francophone publié en France. On se souvient notamment de l’exceptionnelle cuvée 2005, année où François Weyergans avait remporté le Goncourt pour Trois jours chez ma mère tandis que le Médicis allait à Jean-Philippe Toussaint pour Fuir.
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Aujourd’hui plus confidentielle que le roman, la poésie a elle aussi ses grands prix internationaux. Et dans ce domaine, les auteurs belges sont particulièrement bien représentés. Au point que dans le champ francophone, la poésie semble une spécialité belge.
Voici une sélection de six poètes belges lauréats de grands prix internationaux.
1 – Maurice Maeterlinck
Maurice Maeterlinck (1862-1949) reste à ce jour le seul Belge lauréat du prix Nobel de littérature, qu’il a reçu en 1911. Il en est l’un des premiers récipiendaires, puisque le prix a été attribué pour la première fois en 1901.
Mondialement célèbre au début du 20e siècle, adapté au cinéma, en musique, joué sur toutes les scènes européennes, Maeterlinck est aujourd’hui encore considéré comme l’un des plus éminents représentants du symbolisme. On le voit toutefois surtout comme un auteur de théâtre, le genre qu’il a le plus pratiqué : Pelléas et Mélisande, L’oiseau bleu, La princesse Maleine sont des classiques. On en oublierait presque que c’est par la poésie que l’écrivain gantois est véritablement entré en littérature : le recueil Serres chaudes paraît chez Léon Vanier en 1889, peu avant la publication de La princesse Maleine. Ce recueil, qui a fait l’admiration des surréalistes, est un exemple magistral de poésie symboliste. En 1897, Maeterlinck revient à la poésie avec un autre recueil, Douze chansons, amplifié ensuite pour reparaitre sous le titre Quinze chansons en 1900.
2 – Liliane Wouters
Dramaturge, poète, anthologiste, Liliane Wouters (1930-2016) laisse une oeuvre ample et variée. C’est toutefois principalement sa poésie qui lui a valu des récompenses, en Belgique (prix triennal de poésie en 1961, prix quinquennal de littérature en 2000) et à l’étranger.
Elle a ainsi reçu le Goncourt de la poésie (aujourd’hui devenu Goncourt de la poésie Robert Sabatier) en 2000. Ce prix est décerné par l’Académie Goncourt depuis 1985 et récompense un-e poète pour l’ensemble de son oeuvre et non pour un recueil en particulier. Le prix reçu en 2000 une oeuvre poétique entamée en 1954 avec le recueil La marche forcée.
L’écrivaine a aussi reçu le prix Guillaume Apollinaire en 2015, pour Derniers feux sur terre (Taillis pré) et l’ensemble de son oeuvre. Doté de 3.500 €, le prix Guillaume Apollinaire a été fondé en 1941 et est considéré comme le plus important prix de poésie dans le monde francophone, ce qui lui vaut parfois le surnom de « Goncourt de la poésie ». Une appellation équivoque, puisque l’Académie Goncourt a son propre prix de poésie. Liliane Wouters aura donc reçu les deux Goncourt de la poésie : l’officiel et l’officieux.
La poésie de Liliane Wouters avait toutefois été remarquée bien plus tôt hors de nos frontières. Elle a en effet remporté le prix Louise Labé dès 1967 pour le recueil Le gel (Seghers). Ce prix, créé en 1964, distingue un poète francophone ayant déjà publié deux ou trois recueils remarqués, mais qui n’est pas encore célèbre.
3 – Jean-Claude Pirotte
Comme les deux précédents auteurs, Jean-Claude Pirotte (1939-2014) a pratiqué plusieurs genres littéraires : roman, essai, chronique et bien sûr poésie. Son oeuvre lui a valu de nombreux prix, dans des genres différents, en Belgique et à l’étranger.
Jean-Claude Pirotte a précédé de quatre ans Liliane Wouters au palmarès prix Guillaume Apollinaire : en 2011, il est récompensé pour les deux recueils Cette âme perdue (Castor astral) et Autres séjours (Le temps qu’il fait). Pirotte suit par contre sa consoeur pour le prix Goncourt de la poésie, obtenu en 2012. On retiendra qu’il a également reçu en 2012 le grand prix de poésie de l’Académie française. Ce prix récompense annuellement, depuis 1957, un poète francophone pour l’ensemble de son oeuvre.
4 – William Cliff
Né en 1940, William Cliff a été remarqué par Raymond Queneau dès ses premiers poèmes. Publiée jusqu’il y a peu chez Gallimard, sa poésie lui a valu de nombreux prix, en Belgique et en France.
Lauréat, cinq ans avant Pirotte, du grand prix de poésie de l’Académie française (2007), il a lui aussi reçu le Goncourt de la poésie, qui salue en 2015 l’ensemble de son oeuvre. À épingler également : William Cliff a reçu le grand prix de poésie de la SGDL en 2006, encore pour l’ensemble de son oeuvre. Doté de 7500 €, ce prix a été fondé en 1983 et a récompensé un Belge dès sa deuxième édition : Norge l’a obtenu en 1984.
5 – Guy Goffette
Né en 1952, Guy Goffette est poète mais aussi romancier (prix Rossel pour Une enfance lingère en 2006). Édité principalement chez Gallimard, il est également membre du comité de lecture de la maison d’édition.
L’ensemble de son oeuvre poétique a été couronné par plusieurs prix importants : le grand prix de poésie de la SGDL en 1999, le grand prix de poésie de l’Académie française en 2001 et le prix Goncourt de la poésie en 2010. Il a également reçu le prix Mallarmé en 1989 pour Éloge pour une cuisine de province. Décerné depuis 1937, ce prix récompense un poète d’expression française vivant, pour un livre de poèmes écrit en français. Avant Guy Goffette, Jacques Izoard avait reçu le prix Mallarmé en 1979.
6 – Yves Namur
Né en 1952, médecin de formation, Yves Namur est poète, anthologiste (dont une anthologie de la poésie féminine belge du 20e siècle réalisée avec Liliane Wouters), et fondateur de la maison d’édition poétique Le taillis pré (dont il est toujours l’exigeant éditeur). Jeune poète, il a été le tout premier lauréat du prix Georges Lockem de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.
Treize ans après Guy Goffette, il a lui aussi obtenu le prix Mallarmé, reçu en 2012 pour La tristesse du figuier (Lettres vives). Il figure également au palmarès du prix Louise Labé : il le reçoit en 2000 pour Figures du très obscur (Écrits des forges).
Quelques chiffres…
Si mettre la poésie en chiffres a le moindre sens, le constat qui en résulte a de quoi impressionner. Dans les années 2010, les poètes belges ont été trois fois lauréats du Goncourt de la poésie (Guy Goffette, William Cliff et Jean-Claude Pirotte) trois fois du prix Mallarmé (Yves Namur, Werner Lambersy, Philippe Mathy) et deux fois du prix Apollinaire (Liliane Wouters et Jean-Claude Pirotte) – un prix dont Jacques Vandenschrick est finaliste pour l’édition en cours. Une liste à laquelle on peut ajouter le prix Louise Labé du même Jacques Vandenschrick en 2014 et celui de Christian Hubin en 2018. Sur l’ensemble du 21e siècle, les poètes belges ont par ailleurs obtenu trois fois le grand prix de poésie de l’Académie française (Goffette, Cliff et Pirotte encore) et 3 fois le prix Louis Guillaume, réservé au poème en prose (Philippe Jones, Gaspard Hons et Françoise Lison-Leroy).
La relève semble aussi en bonne voie : Sébastien Fevry est finaliste du prix Apollinaire-Découverte 2019.