Les soubresauts d’un cœur

Karel LOGIST, Un cœur lent, Tétras Lyre, 2019, 80 p., 16 €, ISBN : 978-2-930685-48-9

Plaisir toujours renouvelé de retrouver la prose poétique de Karel Logist après quelques années d’absence. C’est que l’œil narquois du poète n’a pas pris une ride. Un nouveau recueil donc composé d’une soixantaine de courts textes comme autant d’instantanés pris sur le vif et qui dissèquent avec acuité les cœurs chamboulés des « aimables solitudes » que nous croisons en chemin. Nos contemporains pris en flagrant délit de vie par l’objectif aguerri du poème polaroïde et que viennent illustrer les photographies du complice de toujours, Serge Delaive.

Cadre, flashe, filme à tire-larigot. C’est des entrailles de tes pellicules que viendra peut-être ton salut, ta vengeance mate sur une existence par trop sédentaire. 

Mais ce serait trop simple que de réduire la poésie de Logist à un simple cliché, à une pure logist-ique photographique d’autant que le poète se joue justement de ces clichés qu’il détourne volontiers par un jeu de mot, une pirouette teintée le plus souvent d’un humour grinçant ou goguenard comme  dans le poème intitulé voyance vénale :

Tu crois que nous serons amants
Tu vas me tirer les tarots
lire les lignes de ma vie
me dire mon avenir
t’y faire une place si possible
Tu prends ma main
Tu l’ouvres
Tu me prédis
beaucoup d’argent
Alors tu m’en empruntes. 

Parmi les questions récurrentes qui traversent les recueils, on repère aisément ici celles qui font la cohérence de l’œuvre, l’ancrage dans le réel, les déambulations citadines, les petits moments d’un quotidien susceptible de basculer à chaque instant dans l’insolite mais aussi la question du cœur battant de l’écriture. Une interrogation qui irriguait déjà le recueil Si tu me disais viens (Ercée, 2007), « Tu ne veux plus écrire de poèmes / Tu ne veux pas montrer non plus ton cœur à nu » et que l’on entend  ici comme en écho « La poésie et moi / désormais nous faisons chambre à part. ». Histoires de cœur, histoires de corps.

Et comme pour mieux ausculter les pulsations vitales de nos contemporains, « animaux adultères », Logist épie ces petits riens qui font tout. Et afin de  les traquer, le poète dès lors ralentit volontairement la pression artérielle, en observateur, pour mieux déceler les emballements et les chamades des autres. Des textes à lire comme autant d’extrasystoles poétiques !

Rony Demaeseneer