Archives par étiquette : Serge Delaive

Le Top 2022 de Camille Tonelli

Le Carnet et les Instants revisite l’année littéraire 2022 avec le Top 3 de ses chroniqueurs et chroniqueuses. La sélection de Camille Tonelli. Continuer la lecture

Poésie des intervalles – plaisir subreptice du doigt dans la plaie

Un coup de cœur du Carnet

Serge DELAIVE, Lacunaires, Chat polaire, 2022, 97 p., 15 €, ISBN : 978-2-931028-21-6

delaive lacunairesla lune remplit puis vidange
sa panse indifférente dans la distance
et les soleils narguent nos sécheresses
voilà tout

Poète et photographe de la lumière et des ombres, Serge Delaive livre dans Lacunaires quatre déclinaisons des états de vie, de mort, d’amour et d’écriture, tous en lutte avec le temps. Son œil hyper-photosensible capture ici des fragments de ce qui est et ne sera plus, de ce qui fut et n’était déjà plus. Cailloux semés sur le chemin de l’espoir au milieu des défaites, comme des traces, des preuves, que l’invisible existe. Comme cet été en Italie (à Barcis Frioul neuf bars / trois cents habitants / allés de bar en bar pas plus loin) qui ouvre le recueil : Continuer la lecture

Désencagement de l’esprit et de la lumière

Un coup de cœur du Carnet

Serge DELAIVE, Autour d’un hiver, Bozon2x, 2021, 121 p., 20 €, ISBN : 978-2-931067-09-3

delaive autour d un hiverSouvent, les ciels sont lisses et pâles.
Ils retiennent et dispersent la lumière. Qui ne jouira pas.

Accompagné de son ami Aïtor, Serge Delaive sillonne l’hiver 2020 encagé par le deuxième confinement (rebaptisé « seconde venue de l’Insekt »). Armé de son téléphone puis d’un petit reflex, il capture les paysages qu’il traverse dans le froid et les joint à ses mots dans ce recueil Autour d’un hiver. La poésie ici est déambulations en prose, union de l’œil, du sensible et de la pensée. Continuer la lecture

Serge Delaive. Tango fractal

Serge DELAIVE, Argentine, suivi d’un entretien avec Anne-Lise Remacle, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2020, 220 p., 9 €, ISBN : 978-2-87568-486-8

argentine serge delaive espace nordDans son roman Argentine couronné par le Prix Rossel en 2009, le romancier, poète et photographe Serge Delaive délivre une composition narrative entre rhizomes et puzzles. Ce n’est qu’au fil de la lecture que se rassemblent les fragments de vie de divers personnages — Hernán, Lunus, Juan Serafini, Sofiá, Lucas, Angel — ayant pour toile de fond l’Argentine. Un jeu d’échos se met en place entre la crise économico-socio-politique qui frappa l’Argentine en 2001, entre le chapelet de crises qu’elle  a traversées (1998-2002, 2004…), et les dérives existentielles que subissent les personnages. Lieu des confins, extrême bout austral du monde bordé par la Terre de Feu et l’océan, l’Argentine attire les êtres en quête de sens, ceux et celles qui, comme Lucas partant sur les traces de son père volatilisé, recherchent des fantômes, des disparus, se perdant dans le mouvement où ils s’engagent dans la poursuite d’une chimère. Argentine est bâti comme un tango houleux entre des êtres et des espaces géographiques dans lesquels ils plongent afin de remailler le temps, d’ajointer des éclats de vie épars. Continuer la lecture

Faisceau de lignes blanches

COLLECTIF, La ligne blanche, Arbre à paroles, coll. « iF », 2020,126 p., 14 €, ISBN : 978-2-8704-696-2

À l’invitation, à l’appel lancé par Antoine Wauters qui dirige la collection « iF » à L’Arbre à paroles, vingt-trois auteurs ont répondu : écrire sur ce que signifie pour eux la ligne blanche. Traversé par une crise, tenaillé par une pulsion qui se traduit en une décision — arrêter d’écrire —, Antoine Wauters voit dans la ligne blanche la manifestation du grand retrait, de l’effacement, une césure, un syndrome Bartleby. La pureté de la ligne blanche est telle qu’elle ne doit plus se traduire en mots. Le syntagme lancé aux contributeurs venus du monde du roman, de la bande dessinée, de la poésie, du journalisme s’apparente à un signifiant flottant que chaque auteur va interpréter, diffracter en récits ou en poèmes. Continuer la lecture

Les soubresauts d’un cœur

Karel LOGIST, Un cœur lent, Tétras Lyre, 2019, 80 p., 16 €, ISBN : 978-2-930685-48-9

Plaisir toujours renouvelé de retrouver la prose poétique de Karel Logist après quelques années d’absence. C’est que l’œil narquois du poète n’a pas pris une ride. Un nouveau recueil donc composé d’une soixantaine de courts textes comme autant d’instantanés pris sur le vif et qui dissèquent avec acuité les cœurs chamboulés des « aimables solitudes » que nous croisons en chemin. Nos contemporains pris en flagrant délit de vie par l’objectif aguerri du poème polaroïde et que viennent illustrer les photographies du complice de toujours, Serge Delaive. Continuer la lecture

Poupée d’Irlande

Serge DELAIVE, Suite irlandaise en quatorze stations, Angle Mort, 2019, 24 p., 5 €, ISBN : 978-2-9602174-3-8

delaive suite irlandaiseLe livre est si léger ! Six pages agrafées de cuivre. La couverture bleu nuit est si sobre ! Serge Delaive, Suite irlandaise en quatorze stations, gravés à la rouille en creux, mis en page comme une croix celtique tête en bas. Le coin supérieur droit des pages est coupé rond et pas celui inférieur. En quatrième de couverture, seul le nom de la maison d’édition, Angle mort, c’est tout. Je n’ai pas encore ouvert et je suis déjà ému. C’est tellement épuré que cela atteint son but. Continuer la lecture

Où chaque poème est un fleuve qui charrie

Serge DELAIVE, Latitudes de la dérive, Tétras Lyre, 2018, 122 p., 14 €, ISBN : 978-2-930685-33-5

delaive latitudes de la derive.gifGénéralement, c’est austère un recueil de poèmes. Du moins, est-ce ce que beaucoup de lecteurs et lectrices, beaucoup de « dévoreurs de livres » pensent. À tort ou à raison ? On ne tranchera pas ici. Mais il arrive que des recueils proposent, par la bande, tout discrètement, un petit jeu à leurs lecteurs. Ainsi en va-t-il de Latitudes de la dérive. A priori, rien de « jouette » dans ces poèmes répartis en quatre saisons, couvrant, à la manière d’un journal intimiste, une année de la vie de Serge Delaive. On y suit, de poème en poème, les dérives mentales de Serge Delaive aux quatre coins de la planète, du village d’enfance à Tallin en passant par la Grèce, Rotterdam, l’autre côté de l’océan, la Suède, etc. Serge Delaive y croque, comme il sait si bien faire, les êtres et les choses qui l’entourent. Rend compte, à sa manière, des lieux où, grand voyageur, il pose son sac. Laisse son esprit librement vagabonder, associer, enchaîner une idée, une image, et puis l’autre. Continuer la lecture

Frayer avec la hou(il)le

Serge DELAIVESaumon noir, Éditions de la Province de Liège, 2017, 84 p., 14 €, ISBN : 9782390100737

delaiveSaumon noir, récit très intime et impressionniste, en mots et en images, s’inscrit dans une démarche plus large qu’une publication : il fut présenté dans le cadre de l’édition 2016 de la Trilogie contemporaine, Arts et Métaux. Sur le thème Nous ne sommes rien, soyons tout : récits de mémoire ouvrière[1], elle proposait notamment une exposition consacrée à la mémoire industrielle dans les bassins sidérurgiques de la région liégeoise, à savoir Hoyoux, Seraing, Sclessin, Saint-Nicolas et enfin Herstal, cœur encre et charbon du présent texte. Continuer la lecture

Boustro ? Fais donc !

Un coup de coeur du Carnet

Boustro, revue plastique et poétique animée par Laurent DANLOY, Pascal LECLERCQ, Karel LOGIST et Paul MAHOUX, n° 2, juin 2016

Boustro2Quelle ébullition revuistique dans la Cité ardente, et de quelle qualité ! En décembre 2015, le premier numéro de Boustro, « fruit de rassemblements autour de l’amitié et de la recherche du bel-être » s’y multipliait à 200 exemplaires « numérotés et choyés » et essaimait hors du nid que lui avaient amoureusement ménagé pour l’occasion les éditions du Tétras-Lyre. L’empennage de ce drôle d’oiseau rassemblait Véronique Janzyk, dont les proses calibrées chutent dans le temps à la faveur d’un séjour à Corfou (là où les touristes allemands ignorent que « le silence est parfois une langue aussi ») ou dans la chambre 350, occupée par cet être cher dont le cœur est grignoté par « une cellule folle qui grandit » ; Serge Delaive, avec une suite d’épures où les accents d’une douleur lancinante se mêlent à une révolte éjaculée « debout / sous la voie lactée » ; Yolanda Castaño, poétesse espagnole dont son traducteur Frédéric Bourgeois a rendu la narquoise « beauté d’épi » de ses vers, qui circulent en ligne brisée jusqu’au rendu de la terrible sentence : « Seule la vérité rend / esclaves » ; Maxime Hanchir enfin, qui livre une série de portraits subtilement biseautés, tracés d’un fusain sensible non dénué d’ironie, doux-amer juste ce qu’il faut. Ajoutez à cela les présences flottantes et anxiogènes, silhouettes intubées et autres loups ectoplasmiques dessinés par la Marolienne de Liège Sofie Vangor, et vous obtenez un carnet de « Poésie Pur Porc », à lire à hue et à dia, de traviole et de guingois, à l’envers comme à l’endroit. Continuer la lecture

L’instantané de l’amour : un précipice

Un coup de coeur du Carnet

Serge DELAIVE, Nocéan, MaelstrÖm, 2016, 203 p., 16 €

noceanCeux qui sont attachés à une conception traditionnelle du roman en réclament une histoire, avec des événements, des personnages et même une intrigue ; un début, une fin discernables et, entre les deux, une progression. Rien de tout cela, ou presque, dans le nouveau roman de Serge Delaive, Nocéan, le premier depuis Argentine (2009) qui obtint le Prix Rossel. L’auteur est certes plus connu pour ses poèmes, une œuvre nombreuse, remarquable. Il demeure poète quand il rédige un roman original comme celui-ci, ne suivant que son propre mouvement, son lyrisme naturel. Poète quand il évoque un homme et une femme, ses personnages, les rencontres, les séparations, la culminance ou la déchirure de l’amour, la passion de la mer, de la ville, du monde. Continuer la lecture

Où l’on apprend qu’un poète se vêt aussi d’un tissu d’eau

Un coup de cœur du Carnet

Serge DELAIVE, Meuse fleuve nord, Tétras Lyre, coll. « Lettrimage », 144 p., 18 €

delaive1Parlons bien et parlons peu : Meuse fleuve nord est formidable. Capable, si on se laisse aller, si on se laisse bercer par ce long « poème-fleuve », de nous emporter bien loin, tout du long de ses 50 pages et de ses 1284 vers. C’est que Serge Delaive n’a pas ménagé sa peine. Continuer la lecture