Archives par étiquette : Karel Logist

Faire des pompes de plume

Karel LOGIST, Faut-il dire la vérité aux éléphants ?, Cactus inébranlable éditions, 2022, 76 p., 10 €, ISBN : 978-2-39049-067-8
Jean-Loup NOLLOMONT, Contes à rebours, Cactus inébranlable éditions, 2022, 98 p., 8 €, ISBN : 978-2-39049-065-4

logist faut il dire la verite aux elephantsLes prolifiques éditions du Cactus inébranlable s’enrichissent d’un troisième titre de Jean-Loup Nollomont et d’un premier du poète Karel Logist, pris d’aphorismes.

Le vaccin contre la connerie rencontrerait une forte opposition.

L’auteur s’explique dans un échange d’emails : « il m’arrive souvent, au détour d’une lecture, de repérer ces petites phrases qui sont comme une respiration, une pause fulgurante, dans un texte dense.  On a coutume d’appeler cela des aphorismes mais se sont aussi des punchlines qui dynamisent (ou dynamitent) le propos de l’auteur et qui font sortir son lecteur de sa zone de confort… Ces courtes phrases que j’espionne — inscriptions, syllogismes, décoctions, maximes — peu m’importe le terme, sont écrites au départ d’observations linguistiques ou sociétales, parfois moralisatrices, parfois subversives, parfois drôles. Elles me ravissent et me donnent à réfléchir. Si bien que je me suis mis, avec un certain plaisir, à en produire moi-même, modestement, en marge de mes lectures… Et elles ont eu la politesse de s’adapter à mes humeurs les plus taquines comme aux plus mélancoliques ! » Puis de se rassembler sous ce titre-plume : Faut-il dire la vérité aux éléphants ? Continuer la lecture

La visibilité est bonne

Un coup de cœur du Carnet

Karel LOGIST, Tout est loin, L’herbe qui tremble, coll. « D’autre part », 2022, 120 p., 16 €, ISBN : 978-2-491462-39-0

logist tout est loinTout est loin : voilà bien une logistisation, une karellogisterie – un flou entretenu qui a du charme. Car rien n’est plus vrai et rien n’est moins faux quand le sentiment de proximité nous saisit à chaque poème, renversant le titre du recueil, malicieusement. Avec une simplicité d’apparence, Karel Logist sait comment dessiner les contours du trouble en nous rapprochant par le poème des paysages humains.

Se saisissant des mots de tous les jours, le poète esquisse ici les malentendus de l’existence. « Je ne trouverai point / de meilleurs compagnons / pour chanter mes saisons / ou dire mes chagrins », écrit-il. De fait : Continuer la lecture

Revue de presse : les livres de l’année 2021

revue de presse - illustration

Photo Pixabay

Au cours des dernières semaines, les médias ont dressé le bilan de l’année littéraire 2021, souvent par le biais de listes des ouvrages les plus remarquables de l’année. Le Carnet et les Instants vous a proposé les sélections de ses chroniqueurs et chroniqueuses tout au long du mois de décembre. Place à présent aux choix d’autres journaux et magazines – et plus précisément, aux auteurs et autrices belges qu’ils mentionnent.  Continuer la lecture

Le Top 3 de Camille Tonelli

Le Carnet et les Instants revisite l’année littéraire 2021 avec le Top 3 de ses chroniqueurs et chroniqueuses. La sélection de Camille Tonelli.
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Horizons littéraires en vingt-deux instantanés

COLLECTIF, Fenêtres sur court, textes réunis et présentés par Laura Delaye, Nausicaa Dewez, Laurence Ghigny, Violaine Gréant et Valériane Wiot, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2021, 278 p., 10 €, ISBN : 978-2-87568-550-6

fenetres sur courtAutomne 2021 : Espace Nord sort son 400e numéro, La Fureur de lire fête ses 30 ans. Les comptes ronds incitent à marquer le coup et ce double jubilé ne fait pas exception. Ce n’est donc pas une réédition classique dans la collection patrimoniale qui a hérité, par le hasard de la numérotation, de ces deux zéros sur sa tranche. Et, tant que l’on parle de chiffres, il ne s’agit pas à proprement d’une mais plutôt de vingt-deux rééditions. Vingt-deux !? Dans un seul volume ? Parfaitement ! Vingt-deux nouvelles, échantillon choisi parmi les plus de cent plaquettes éditées dans le cadre de la Fureur de lire. Tâche ardue à n’en pas douter. Continuer la lecture

Il n’y a pas d’issue au monde…

Karel LOGIST, Soixante-neuf selfies flous dans un miroir fêlé, Arbre à paroles, coll. « If », 2021, 77 p., 14 €, ISBN : 978-2-87406-707-5

logist soixante-neuf selfies flous dans un miroir fêlé« Discrète et délicate, la poésie de Karel Logist ne vocifère jamais (…). Entre le chant et la confidence personnelle, (…) elle mêle humour et gravité, nostalgie et observation. Les thèmes sont tour à tour l’amour, l’amitié, l’enfance, le voyage, l’observation des autres, le portrait ; mais l’œil de Logist décèle aussi l’insolite, ou même le fantastique, dans la réalité ; son imaginaire est propre à construire de petites fables amusées et non moralisatrices ; sa voix jette un voile sur son angoisse ou son scepticisme. C’est une poésie d’humour noir qui ne se montre pas comme telle ; une poésie de connivence avec soi-même et avec l’autre ; le moyen de communication d’un homme secret  (…) qui ne cherche pas à en imposer, mais qui s’impose au lecteur (…) » (Gérald Purnelle). Auteur d’une œuvre saluée depuis sa découverte par Liliane Wouters – qui fit publier son premier livre[1] où il constatait déjà qu’il n’y a pas d’issue au monde jusqu’à ce recueil, Soixante-neuf selfies flous dans un miroir fêlé, écrit durant la récente pandémie, le poète spadois fait preuve d’une souveraine cohérence thématique et stylistique. Il possède un ton, une voix reconnaissable entre toutes. La discrétion et la pudeur caractérisent « cet homme tellement oubliable », qui n’a jamais été « un garçon expansif », ce virtuose sans afféterie, qui n’a pas hésité pourtant à s’engager dans l’action concrète en faveur de la lecture et de l’édition. Continuer la lecture

Faisceau de lignes blanches

COLLECTIF, La ligne blanche, Arbre à paroles, coll. « iF », 2020,126 p., 14 €, ISBN : 978-2-8704-696-2

À l’invitation, à l’appel lancé par Antoine Wauters qui dirige la collection « iF » à L’Arbre à paroles, vingt-trois auteurs ont répondu : écrire sur ce que signifie pour eux la ligne blanche. Traversé par une crise, tenaillé par une pulsion qui se traduit en une décision — arrêter d’écrire —, Antoine Wauters voit dans la ligne blanche la manifestation du grand retrait, de l’effacement, une césure, un syndrome Bartleby. La pureté de la ligne blanche est telle qu’elle ne doit plus se traduire en mots. Le syntagme lancé aux contributeurs venus du monde du roman, de la bande dessinée, de la poésie, du journalisme s’apparente à un signifiant flottant que chaque auteur va interpréter, diffracter en récits ou en poèmes. Continuer la lecture

Les soubresauts d’un cœur

Karel LOGIST, Un cœur lent, Tétras Lyre, 2019, 80 p., 16 €, ISBN : 978-2-930685-48-9

Plaisir toujours renouvelé de retrouver la prose poétique de Karel Logist après quelques années d’absence. C’est que l’œil narquois du poète n’a pas pris une ride. Un nouveau recueil donc composé d’une soixantaine de courts textes comme autant d’instantanés pris sur le vif et qui dissèquent avec acuité les cœurs chamboulés des « aimables solitudes » que nous croisons en chemin. Nos contemporains pris en flagrant délit de vie par l’objectif aguerri du poème polaroïde et que viennent illustrer les photographies du complice de toujours, Serge Delaive. Continuer la lecture

Dans nos archives : Béatrix Beck

Béatrix Beck

Fille du poète Christian Beck, l’autrice Béatrix Beck (30 juillet 1914 – 30 novembre 2008) a remporté le prix Goncourt en 1952 pour Léon Morin, prêtre

En publiant des inédits et des textes parfois peu connus de l’écrivaine (notamment le roman Stella Corfou ou des fragments divers rassemblés sous le titre Bribes), les éditions du Chemin de fer ont permis de (re)découvrir la force et l’intérêt de cette oeuvre singulière.

Karel Logist a rencontré Béatrix Beck en 2003, pour une interview publiée dans Le Carnet et les Instants n° 123,  où il est notamment question de l’identité belge et de littérature féminine. Une rencontre à lire à présent en intégralité sur notre blog. Continuer la lecture

L’expérience poétique

COLLECTIF, La découverte de la poésie. De ontdekking van de poëzie, Midis de la poésie & L’Arbre à paroles, coll. « Poésie », 2019, 38 p., 8 €

À l’initiative de Passa Porta, du Poëziecentrum et des Midis de la Poésie, huit poètes belges, quatre francophones, quatre néerlandophones, interrogent sous la forme poétique leur découverte, leur entrée en poésie, les liens qu’ils tissent avec elle. Face à la question « comment devient-on poète ? », certains mettent à nu l’épreuve subjective de leur rencontre avec la muse poétique tandis que d’autres placent la poésie en amont, comme une voix qui, depuis toujours, appelle ses possibles hôtes. Rencontre accidentelle ou, au contraire, destinale et élective ? Rencontre physique, avec des mots charnels ou compagnonnage d’ordre conceptuel ? Continuer la lecture

Boustro 7. La création comme indocilité

Boustro, revue plastique et poétique animée par Laurent DANLOY, Pascal LECLERCQ, Karel LOGIST et Paul MAHOUX, n°7, novembre 2018.

Dans le paysage éditorial, certaines revues portent le flambeau d’une création qui échappe aux fourches caudines de la littérature marketing. Créée en 2015 par les poètes Karel Logist et Pascal Leclercq, par les artistes plasticiens Laurent Danloy et Paul Mahoux, Boustro appartient à cette tribu de revues qui privilégient l’expérimentation et l’exploration d’univers hors normes. Passant au format A3, le numéro 7 réunit quatre plumes qui griffent le monde, y creusant des terriers — parfois stellaires — où vivre, et un artiste plasticien qui impose un cataclysme visuel en noir et blanc. Les textes de Nathalie Gassel, Maud Joiret, Christophe Kauffman et Vol-au-vent, les dessins de Monsieur Pimpant nous font quitter terre. Par-delà la singularité des cinq créateurs, une lame de fond commune, celle de l’indocilité, d’une soif d’un autre réel qui passe par la chair à vif, la fête des corps. Construisant ses textes comme elle sculpte son corps, en quête d’une compacité sémantique qui libère une beauté singulière faite de désirs mordus par la blessure, Nathalie Gassel (auteure de textes saisissants, Éros androgyne, Construction d’un corps pornographique, Abattement…, photographe) livre, sous le titre  « Frida » des stèles poétiques interrogeant l’espace obscur où gisent les défunts, les affres du corps défait. On pense à Frida Kahlo luttant avec un organisme brisé, on reçoit en instantanés chimiques une écriture qui ouvre les portes que la société prend soin de sceller. L’écriture de Nathalie Gassel n’a que faire de la joliesse d’une littérature adepte des surfaces. Elle creuse jusqu’à ouvrir le corps et entrer dans la chair.

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Comment on devient belgophobe

Un coup de cœur du Carnet

Jean-Baptiste BARONIAN, Baudelaire au pays des Singes : essai, Pierre-Guillaume de Roux, 2017, 153 p., 19,50 €, ISBN : 978-2-36371-198-4

baronian baudelaire1864 : un écrivain français de quarante-deux ans, qui commence à faire parler de lui à Paris pour ses écrits sur la peinture, ses traductions des contes de l’Américain Edgar Allan Poe et une condamnation pour des poèmes sulfureux, arrive en exil volontaire à Bruxelles à la recherche d’éditeurs et pour y faire des conférences. Il n’y rencontrera que déboires, déceptions et contrariétés. 150 ans après la mort de Charles Baudelaire, Jean-Baptiste Baronian, qui lui avait déjà consacré une brillante biographie, nous convie à une enquête fouillée sur le long séjour belge du poète des Fleurs du Mal. Continuer la lecture

Boustro ? Fais donc !

Un coup de coeur du Carnet

Boustro, revue plastique et poétique animée par Laurent DANLOY, Pascal LECLERCQ, Karel LOGIST et Paul MAHOUX, n° 2, juin 2016

Boustro2Quelle ébullition revuistique dans la Cité ardente, et de quelle qualité ! En décembre 2015, le premier numéro de Boustro, « fruit de rassemblements autour de l’amitié et de la recherche du bel-être » s’y multipliait à 200 exemplaires « numérotés et choyés » et essaimait hors du nid que lui avaient amoureusement ménagé pour l’occasion les éditions du Tétras-Lyre. L’empennage de ce drôle d’oiseau rassemblait Véronique Janzyk, dont les proses calibrées chutent dans le temps à la faveur d’un séjour à Corfou (là où les touristes allemands ignorent que « le silence est parfois une langue aussi ») ou dans la chambre 350, occupée par cet être cher dont le cœur est grignoté par « une cellule folle qui grandit » ; Serge Delaive, avec une suite d’épures où les accents d’une douleur lancinante se mêlent à une révolte éjaculée « debout / sous la voie lactée » ; Yolanda Castaño, poétesse espagnole dont son traducteur Frédéric Bourgeois a rendu la narquoise « beauté d’épi » de ses vers, qui circulent en ligne brisée jusqu’au rendu de la terrible sentence : « Seule la vérité rend / esclaves » ; Maxime Hanchir enfin, qui livre une série de portraits subtilement biseautés, tracés d’un fusain sensible non dénué d’ironie, doux-amer juste ce qu’il faut. Ajoutez à cela les présences flottantes et anxiogènes, silhouettes intubées et autres loups ectoplasmiques dessinés par la Marolienne de Liège Sofie Vangor, et vous obtenez un carnet de « Poésie Pur Porc », à lire à hue et à dia, de traviole et de guingois, à l’envers comme à l’endroit. Continuer la lecture

Propos divers sur les usages, les amours et le temps qui passe

Un coup de coeur du Carnet

Karel LOGIST, La Traversée des habitudes, Tétras Lyre, 2016

logistIl y a des livres qui ont cette curieuse propriété : on les lit d’une traite, on les referme, et, on ne sait pas trop pourquoi, on se sent tout guilleret. On siffloterait même toute la journée un air de Brit Pop en faisant la queue à la poste ou au supermarché. Oui. Malgré le temps maussade et les nouvelles franchement pas joyeuses que déverse la radio. La Traversée des habitudes, dernier recueil en date de Karel Logist, pourrait fort bien, pour certains et certaines, être un ouvrage de cette trempe. Continuer la lecture

Carnets mexicains

Un coup de coeur du Carnet

Hubert ANTOINE, Danse de la vie brève, Paris, Gallimard, coll. »Verticales », 227 p., 19,50 €/ePub : 13.99 €

antoineA propos de son dernier recueil publié aux Editions La Lettre volée Pourquoi je ne suis pas devenu poète, le poète namurois Hubert Antoine nous donnait à entendre qu’il délaisserait pour un temps la poésie pour le roman. C’est maintenant chose faite. Et voici donc ce qu’il est convenu d’appeler le premier roman d’un poète, gageure s’il en est, sous la forme du journal intime de Melitza dont on sait d’emblée qu’elle mourra… Continuer la lecture

« Mais de quoi parleras-tu? »

Un coup de coeur du Carnet

Kenny OZIER-LAFONTAINE, Billes, Bruxelles, maelström, 2015, 130 p., 13€

Cinéaste, dessinateur, jeune pataphysicien exilé en Belgique, le poète Kenny Ozier-Lafontaine, Paul Poule sur les réseaux sociaux, possède plusieurs voix, toutes remarquables. L’une court sur les pages paires des Billes que voici, une autre, en regard (et en italique), semble lui répondre, dans les échos d’un contrechant. De quoi parlent-elles? De l’oiseau, de la pierre, de l’arbre, de la neige, de leurs questionnements et de leurs savoirs, de leurs difficultés d’être et de leurs limites. Leur dialogue s’achèvera de manière chorale, dans un feu d’artifice où culminent l’angoisse, les miroirs, la fantaisie et ses couleurs. Le poète, « né cassé, avec un œil à la place du cœur », s’y étonne que « les nuages ont été déposés à l’envers dans le ciel pour ne pas tomber », que « le vent souffle pour éloigner les oiseaux, mais nous ignorons de quoi » ou encore qu’il faille « découdre la neige, avec les doigts, avec le ciel ». Continuer la lecture