Liliane SCHRAÛWEN, Nuages et vestiges, Bleu d’Encre, 2019, 91 p., 14 €, ISBN : 978-2-930725-28-4
Si écrire, c’est entre autres faire parler les pierres, alors, le dernier recueil de Liliane Schraûwen est une gemme délicate polie par la gouge des mots. Mais les pierres ne sont pas toujours précieuses. Elles le deviennent après que l’on a redonné vie aux vestiges, après avoir fait renaître leur mémoire, après avoir allégé cette « masse lourde de dure pierre » comme pour en extraire la vie.
Alors il est venu / creuser la roche dure / Il t’a trouvée où tu rêvais / de ton rêve de pierre / Tu as pris vie entre ses doigts / et déployé ta chevelure / comme une flamme dans le vent
Les ruines, témoins du temps qui file, pierres ancestrales que le vent érode et fait revivre sous les coups de burin de ses caprices. Des rafales qui redressent les vestiges, qui réaniment les gestes qui nous firent tant aimer le corps de l’autre. Car c’est au fond encore une affaire de corps, de nostalgie de ces corps que l’on a caressés avec avidité et qui ont peu à peu oublié leur capacité à jouir, à crier. Seule reste en somme la glaise des mots pour dire l’absence, le vide et insuffler un nouvel élan aux refuges décatis de nos errances.
Ce caillou si lourd / en moi / Cette masse stérile / et dure / et molle / et pleine de vide / avec à peine / le souvenir / d’un peu / de bleu / d’un rire / d’oiseau blanc / Avec le regret / presque oublié / de ce temps/ où l’univers en moi / naissait / et bougeait / s’étirait dans mes rêves / sortait de mes lèvres / en chanson de soleil / en musique de vent / Oh poésie bleue / cristal de feu / Oh neige morte / Pourquoi
Pourquoi donc encore chercher à faire parler les pierres ? Pourquoi rebâtir les rumeurs qui s’en sont allées avec les vies délitées ? Peut-être tout simplement pour éviter à soi-même
de tomber comme une pierre / et de sombrer dans les eaux noires / les eaux du vide et de l’absence
Rony Demaeseneer