Vincent FLAMAND, Quand Dieu s’efface…, Préface d’Emmanuel Carrère, Éditions Jésuites, coll. « Fidélité », 2019, 108 p., 12 €, ISBN : 978-2-87356-835-1
Beaucoup attendent de la foi consolation et certitude. Moi, j’en espère la liberté.
Croire pour moi, c’est prendre son envol, malgré ou grâce aux blessures inguérissables qui nous empêchent de voler ; être mis à quia par l’absurde tout en refusant au plus profond de soi qu’il ait le dernier mot. Accepter la naïveté, l’errance, l’excès. […] Voir les choses autrement, sous l’angle du don.
Dans Quand Dieu s’efface…, Vincent Flamand se penche sur le parcours singulier d’une foi en perpétuelle métamorphose : la sienne. Sous la forme de lettres à un presque inconnu dont le regard intense, qui ne le quittait pas, l’avait frappé lors d’une conférence sur le christianisme qu’il donnait à l’évêché de Liège, qu’il aurait voulu rencontrer mais qui s’était déjà éclipsé et dont il a seulement saisi au vol le prénom : Rodolphe Henri.
Missives où il évoque son enfance, ses parents. « Ma première religion fut la fusion. Le dieu originel avait le visage de ma mère. » « Mon père adorait les livres. Il en achetait sans arrêt. Il m’a légué en héritage l’artisanat fascinant et harassant des mots, la nécessité de se raconter pour survivre. »
L’amour éperdu, à vingt ans, pour une jeune fille prénommée Joie. « Elle est devenue ma raison de vivre, mon obsession. Je voulais de tout mon être une relation amoureuse, elle désirait un lien platonique. Hantée par un passé de violences indicibles, elle fuyait la chair. […] Elle fut mon poème impossible, mon espérance désespérée, mon gouffre et ma présence au monde. »
Sur ses pas, nous vivons une révélation illuminante, décisive. « Je suis né le 4 janvier 1997, à l’âge de 24 ans. »
Prêtre de 2002 à 2008, il constate sobrement : « Même si cet aveu me peine un peu, je dois le reconnaître : l’Église n’est plus ma maison. […] ma foi consiste à tenter de rester en accord avec ce mouvement intime qui m’a amené à embrasser la vie cléricale pour me construire puis m’a poussé à la quitter pour ne pas dépérir ».
S’interroge : « Pourquoi plaçons-nous toujours Dieu hors de notre portée plutôt que dans le meilleur de nous ? ».
Médite, sur le ton de la confidence : « Dieu, moi, je voudrais ne pas le dire, mais le taire. Que mes silences manifestent quelque chose de Lui. Que passant par les brisures de mon être, Il puisse venir panser les plaies de ceux que le hasard met sur ma route ».
Époux et père heureux, enseignant, écrivain, Vincent Flamand, si on lui demande qui il est, répond : « Je ne sais pas si je suis athée, croyant, agnostique, mystique, iconoclaste, renégat, disciple, toujours prêtre ou plus du tout. Je ne le sais pas et je ne veux pas le savoir, c’est même là mon seul acte de volonté. Je refuse d’occuper le pré carré d’une certitude. […] En fait je suis un homme qui attend. Patiemment. Follement. Opiniâtrement. »
Francine Ghysen