Géraldine REMY, Qui veut la peau de la licorne ?, Ker, coll. « Témoins du monde », 2020, 279 p., 18 € / ePub : 9.99 €, ISBN : 978-2-87586-275-4
En 2018, Géraldine Remy nous faisait découvrir les licornes dans son premier livre Les secrets de la licorne. On y apprenait que dans le contexte de transition écologique, ce cheval fabuleux avec sa corne unique au milieu du front représente toute personne qui cherche à consommer (et vivre) différemment. Dans son nouveau livre Qui veut la peau de la licorne ?, on retrouve l’unicorne (alias Géraldine, la comparaison s’arrête là) pour un témoignage juste, franc, empreint d’autodérision où Géraldine raconte quel genre de parcours – initiatique – elle a traversé pour passer de l’écoanxiété à la résilience intérieure.
Tout a commencé en octobre 2017, quand Géraldine Remy lit Comment tout peut s’effondrer de Pablo Servigne (qui signe la préface de son livre) et Raphaël Stevens. Paru au Seuil en 2015, le livre explique comment l’effondrement de la société industrielle dans laquelle nous vivons s’annonce à notre horizon. Ce manuel de collapsologie fait vivre à Géraldine un basculement, appelé métanoïa, qui n’est autre qu’un « changement brutal de point de vue » qui s’accompagne de moments où « les affects envahissent le corps pour ne plus le lâcher ». Commence alors la première phase du parcours de Géraldine (qui en compte trois) : la prise de conscience.
Dans ce premier moment de conscience, Géraldine se met à éprouver de l’écoanxiété (néologisme pour désigner l’anxiété que l’on peut ressentir face aux enjeux liés à l’urgence climatique) qui se traduit par un mélange de peur, de colère, de « tousfoutuisme », qui fonctionne comme une lame de fond. Durant cette période, Géraldine démultiplie les actions (quête d’un terrain idéal, formations en tout genre). Elle cherche à convaincre son entourage de tout changer, oscille entre projets optimistes dans l’école où elle enseigne et vagues de découragement. Et toujours ces images de déforestation, d’élevage intensif, de surpêche, d’écocide qui la hantent. Sa sérénité s’effiloche. Elle se sent impuissante, seule ou en décalage, coincée dans une difficulté de communiquer. Elle raconte d’ailleurs comment elle devient infréquentable (fait la morale, juge, ne parle plus que de ça) dans une section dont le titre « Remy sans amis » révèle l’humour qui fait aussi la marque de fabrique de ce livre. Car s’il est clair que Géraldine est en mode survie, elle fait surtout comme elle peut pour faire face sans oublier de rire d’elle-même. Il n’y a qu’à lire les anecdotes qu’elle relate pour donner à voir/vivre son parcours au plus près, comme ce stage de survivalisme ou ce massage au plastique, où le lecteur vit les contradictions de Géraldine. Car tout le long de son livre on rit. On ressent de l’empathie, aussi. Évidemment.
Dans la seconde période, dite de survie, Géraldine cherche autant qu’elle est perdue. Elle s’informe, se forme, lit des auteurs dont la vision du monde l’enthousiasme. Mais rapidement, cet enchainement d’actions devient vite « trop ». Si se profilent déjà ses intentions de créer du lien, des moyens pour canaliser ses émotions et l’envie de déployer sa créativité, autre chose se profile aussi : le burn out survivaliste. C’est en se demandant qu’est-ce que je cherche ? Quels sont mes besoins ? Et cette écoanxiété, que raconte-t-elle de moi ? que Géraldine ressentira, dans la troisième partie intitulée résilience, l’importance de ralentir, de se déconnecter, de demander du soutien, de s’accorder du répit, de revenir au corps. Elle apprendra comment se recentrer pour faire taire le mental et ainsi éviter de sombrer dans des projections apocalyptiques. Elle apprendra à être en allant à la rencontre d’elle-même, sans (re)tomber dans des logiques néolibérales de performance et de rentabilité. A son rythme. C’est de cette façon qu’elle sera en mesure d’accueillir son écoanxiété pour faire la paix avec elle-même… et avec le monde tel qu’il est. Parce que oui, la transition écologique est intimement liée à la transition intérieure.
On l’a compris, Géraldine Remy n’aura jamais fini d’apprendre. Nous non plus. C’est sans doute pour cela qu’elle partage ses ressources avec nous à la fin de l’ouvrage : les 14 pistes d’action concrètes qui ont fonctionné pour elle ainsi que des références pour chacune d’elles. Idéal pour celles et ceux qui veulent déployer plus encore les outils et conseils qu’elle livre. Généreuse manière de nous aider à entamer (ou poursuivre) à notre façon, à notre rythme et si le besoin s’en fait sentir, notre propre transition intérieure.
Amélie Dewez