Daniel CHARNEUX, À propos de Pre, M.E.O., 2020, 160 p., 15€ / ePub : 8.99 €, ISBN 978-2-8070-0242-5
Une bonne part des écrits de Daniel Charneux est consacrée à des évocations biographiques aussi diverses que celles de la pathétique Marylin Monroe, de l’humaniste Thomas More ou de Jane Grey, la très éphémère reine d’Angleterre. Cette fois, c’est vers le sport que se porte son éclectisme. Et en particulier vers la course à pied qui est, bien entendu, le « roi des sports » ainsi que tout sportif le professe au crédit de sa propre discipline. Avec À propos de Pre, c’est une légende de l’athlétisme américain, le champion olympique Steve Prefontaine, que Charneux ressuscite en enfilant les baskets de son narrateur Pete Miller présenté comme l’ami du coureur depuis l’enfance. Et qui partageait avec lui une même passion pour ce sport exigeant quoiqu’avec moins de réussite.
Natif de Coos-Bay dans l’Oregon, « Pre », comme Prefontaine n’aimait pas qu’on l’appelât, allait mourir dans un accident de la route à 24 ans alors qu’il affichait déjà un palmarès le plaçant parmi les plus grands. C’est parvenu à l’âge de la retraite que Miller entreprend ce récit qui intègre à la fois la vie et les exploits de son ami Steve, étroitement mêlés à la sienne, mais aussi, en toile de fond, les grands événements contemporains de l’Histoire américaine, depuis l’assassinat des deux Kennedy et de Martin Luther King ou la désastreuse guerre du Vietnam, jusqu’à l’extravagante affaire du Watergate et la démission de Richard Nixon. Point d’orgue sportif : les jeux olympiques de Munich en 1972, (théâtre par ailleurs du massacre des otages israéliens par le commando de Septembre Noir) où, aux 5000 mètres, Steve Prefontaine rate le podium d’une marche. Cette remarquable quatrième place, il la considère comme un échec et entend bien se rattraper quatre ans plus tard lors des J.O. de Montréal. C’était compter sans l’accident de bagnole qui lui coûtera la vie en 1975.
Une vie dont Pete Miller et d’autres anciens amis vont, en 2018, célébrer la mémoire en engageant leurs vieux os dans le traditionnel jogging géant Hood to Coast Relay : une course relai par équipes de douze au cours de laquelle plusieurs milliers de participants couvrent au total 320 kilomètres à travers l’Oregon, entre le Mont Hood et la ville de Seaside sur la côte atlantique. C’est le journal détaillé de ce défi que Pete Miller conjugue à son ode à Prefontaine, avec la réussite finale de l’arrivée de ces vétérans à Seaside et le dépôt de la médaille commémorative sur la tombe du champion.
Pour se divertir des nombreuses considérations techniques et de l’avalanche de chronos a priori ébouriffants qui émaillent cette épopée athlétique et feront certes vibrer les connaisseurs et autres aficionados, on découvre aussi, entre autres anecdotes, comment Bill Bowerman, un pote à Pete Miller et surtout grand ami et fidèle complice de Prefontaine, entra dans la légende. Il avait eu l’idée malodorante et presque suffocante de couler du caoutchouc dans le moule à gaufres emprunté à sa femme pour créer une semelle de compétition novatrice. Le résultat fut jugé concluant et pour produire son invention en quantité, Bowerman créa une petite entreprise qu’il baptisa d’un nom grec signifiant victoire. C’était bien vu. Prefontaine allait l’adopter à jamais et la semelle Nike allait faire un sacré bout de chemin sur les circuits et les trottoirs du monde…
Ghislain Cotton