Nelly GAY, Julos Beaucarne. Il faut s’aimer à tort et à travers, Luc Pire, 2020, 160 p., 29 €, ISBN : 9782875421920
Plutôt qu’une biographie, c’est à une visite en toute cordialité du Julosland – ainsi qu’elle nomme l’univers de Julos Beaucarne – que nous invite Nelly Gay dans son ouvrage, Julos Beaucarne, Il faut s’aimer à tort et à travers. Elle ne pouvait pas écrire un livre pré-cadré, il fallait un livre à l’image de cet artiste aux cordes sensibles et multiples : imaginatif et libre. Mais peut-être faut-il rappeler qui est Julos Beaucarne aux plus jeunes lecteur.rice.s car sa carrière est en sommeil depuis une petite décennie ?
Figure emblématique de la chanson francophone de l’après-68, Julos Beaucarne est auteur, compositeur, chanteur, poète, comédien, amateur de vélocipèdes (bicyclettes, vélo biplace, tondeuse à gazon à pédales, vélo-scieur de bois…), inventeur d’objets hétéroclites, écologiste et humaniste, pouvant jouer de toutes ces facettes au cours de ses spectacles.
Né en 1936 à Bruxelles, quand on lui demande s’il est bruxellois, il répond qu’il est d’Ecaussines, le village du Hainaut où il a grandi. Depuis plus d’un demi-siècle, il vit dans une bâtisse du village de Tourinnes-la-Grosse, à la fois refuge après les voyages, les tournées et les spectacles, terre d’accueil pour ses fils et les ami.e.s de passage mais aussi lieu d’un terrible drame : l’assassinat de Loulou (Louise-Hélène), son épouse et la mère de ses enfants à la Chandeleur de 1975 par un homme qu’ils hébergeaient. À ce féminicide, à la terrible douleur, il répondit par l’amour et non par la haine, ainsi qu’il le fait toujours. Farouche opposant à la peine de mort, il a écrit, dans la nuit suivante, une lettre devenue fameuse et dont la formule finale, si représentative de l’homme, est devenue le sous-titre du livre-portrait de Nelly Gay : « Il faut s’aimer à tort et à travers ». S’il vit en Wallonie, qu’il se dit wallon, il se revendique également belge – il est contre le séparatisme –, francophone, homme du monde. Monde qu’il a parcouru pour découvrir, comprendre la vie, les bonheurs et les malheurs de ses sœurs et frères humains, pour enrichir son pouvoir d’émerveillement, pour chanter également, en francophonie mais pas seulement, en Chine aussi, en Afrique, aux États-Unis, au Japon, au milieu des décombres de Sarajevo ou dans les mouroirs de Calcutta… Et ce n’est tout, il a une histoire particulière avec le Québec, terre d’accueil et de ressourcement, où il est allé bien souvent avec ses deux fils, après la mort de Loulou ou pour retrouver le public et ses complices Félix Leclerc et Raoul Degay.
Quoique ses chansons ne soient guère passées sur les ondes des radios, ses concerts, il les a présentés sur des scènes prestigieuses comme Bobino et l’Olympia à Paris mais aussi sur la Grand-Place de Bruxelles ou dans des salles de quartiers populaires de chez nous et d’ailleurs, beaucoup d’ailleurs… Un des plus mémorables a eu lieu à Liège en 1986 où une centaine de spectateurs ont pédalé pour éclairer la scène… Chanteur du seul tube en wallon qui a dépassé la Wallonie, La petite gayole, il a enregistré une trentaine d’albums, essentiellement en français mais aussi en wallon ou tout en musique, pour montrer qu’il n’était pas qu’un chanteur à textes. Il a publié des recueils de poèmes, de contes, des livres avec des illustrateur.rice.s, la revue FLAF (Front de libération des arbres fruitiers) qui deviendra le FLO – FLAF (Front de libération de l’oreille – Front de libération des arbres fruitiers). Il a joué dans quelques films dont Le mystère de la chambre jaune et Le parfum de la dame en noir de Bruno Podalydès. Mais ce n’est pas en égrenant ainsi la carrière de Julos Beaucarne qu’on peut le connaître, aussi il faut lire le livre de Nelly Gay qui offre autant une chaleureuse ouverture à l’artiste par ses thèmes explorés (l’écriture, la poésie, la spiritualité, l’engagement, la scène…), les paroles recueillies, les photos et les textes (de chansons mais pas seulement) reproduits, qu’un moment de retrouvailles et de partage pour les ami.e.s fidèles.
Michel Zumkir