Alain BERENBOOM, Michel Van Loo disparaît, Genèse, 2021, 288 p., 22,5 €, ISBN : 978-2-3820100-06
Où l’on retrouve, sous la plume subtile d’Alain Berenboom, le détective privé bruxellois Michel Van Loo et sa bande d’amis de la Place des Bienfaiteurs : Anne, son amoureuse, Hubert, le pharmacien et sa femme Rebecca, Federico, le coiffeur anar sicilien et ses deux copains, les frères Motta, « redoutables syndicalistes camionneurs », tous sur pied de guerre pour retrouver leur ami Michel disparu au cours d’une enquête dans un patelin hennuyer proche de la frontière française…
C’est là, à Saint-Sorlain, que le châtelain du cru, Charles de Bodegné, a fait appel au détective (privé surtout de clientèle lucrative) en cette année 1950, pour résoudre une énigme plutôt harcelante : à l’en croire, il est fréquent que durant la nuit, d’invisibles fantômes s’adonnent dans sa chambre conjugale à une sarabande assourdissante faisant même trembler les murs épais du château. Engagé sous une livrée de laquais en guise de couverture, c’est moins les fantômes qui troublent Michel que le cadavre du garde-chasse qu’il découvre alité à ses côtés, après une fatigante soirée de réception où Bodegné avait invité tous les notables du cru. Convaincu que Van Loo est l’auteur de ce meurtre, une sorte de Javert local n’en démord pas malgré l’absence de preuves, et se démène pour arriver à le faire embastiller. Sans succès d’autant plus que le détective disparaît mystérieusement, provoquant ainsi la croisade de ses amis…
Quelques éléments jetés pêle-mêle nourrissent l’atmosphère et les contextes de ce polar où le mystère, les vilaines manières, la mémoire, un brin de surréalisme et, bien entendu, l’humour consubstantiel à l’auteur voguent de conserve … La guerre n’est finie que depuis 5 ans non sans larguer derrière elle des bombes à retardement dans les relations sociales du village – le château était alors la propriété d’un comte autoproclamé mais surtout ami de Degrelle et collabo très influent sur la vie locale – il avait pour compagne une rançonneuse particulièrement perverse surnommée « la Veuve noire » – Bodegné, retour du Canada, a racheté le château longtemps abandonné après la fuite des deux antipathiques – sa femme et sa mère, effrayées par la nouba des spectres, l’assassinat du garde-chasse suivi du dépeçage sadique de son chien, sont retournées au Québec – plusieurs notables traînent derrière eux un lot de casseroles que l’on peut qualifier de dommages de guerre – et n’oublions pas Mademoiselle Dumonceau, voyante délurée et douée d’une ultra-lucidité à éclipses…
Alléluia, tout finit par s’expliquer, mais il reste pour Michel Van Loo un difficile combat culturel à mener : tenter de convaincre Martin, le limonadier de Saint-Sorlain, de la supériorité de la très bruxelloise gueuze- grenadine, son carburant préféré, sur les bières d’abbayes trappistes qui jouissent d’une heureuse faveur dans la région.
Ghislain Cotton