Road trip intergénérationnel

Alix GARIN, Ne m’oublie pas, Lombard, 2021, 220 p., 22,50 € / ePub : 9,99 €, ISBN : 978-2-8036-7623-1

garin ne m'oublie pas« Je ne peux pas rester ici, Papa et Maman doivent être morts d’inquiétude, ils m’attendent ! » Tels sont les mots de la grand-mère de Clémence, ramenée à la maison de retraite après sa troisième fugue. En vérité, personne ne l’attend dans la maison de son enfance, ses parents sont morts. Mamycha l’a oublié, l’oublie régulièrement. Tout comme son âge, ses statuts de mère et de grand-mère, les prénoms et visages de sa fille et de sa petite-fille. Par moment, elle réalise. « J’ai la mémoire qui flanche, j’me souviens plus très bien », entonne-t-elle pour dédramatiser.

Clémence, elle, se souvient de tous les moments précieux partagés avec son aïeule. Pas question de se résigner à la regarder dépérir sous sédatif. Puisqu’elle veut s’évader, Clémence l’accompagnera. Et finalement, c’est peut-être cette dernière qui retrouvera la mémoire.

Ne m’oublie pas nous emmène dans un road trip intergénérationnel. Une vieille dame prend la route sur les traces de son passé ; la trame n’est pas sans évoquer d’autre œuvres telles que Reines de pique, la pièce de théâtre de Jean-Marie Piemme ou le dernier roman de Nadine Monfils, Le souffleur de nuages. Et s’agissant d’une grand-mère accompagnée de l’un de ses petits-enfants, difficile de ne pas penser aux Souvenirs de David Foenkinos, portés à l’écran par Jean-Paul Rouve. Pas étonnant que ce thème inspire : le temps qui passe inexorablement, la vieillesse, les souvenirs, la transmission, les liens familiaux, les rapports entre générations, souvent moins tendus quand elles ne se suivent pas ; autant d’aspects qui le rendent universel.

Dessins classiques et simples, palette de couleurs pastel, il se dégage du trait d’Alix Garin une douceur offrant un équilibre entre pudeur et réalisme. Le sujet est traité sans gravité excessive, avec humour et émotion, dans le texte et dans l’image. Car s’il est question de souvenirs que l’on cherche, cette quête en crée surtout de nouveaux, rappelant que le temps suit son cours, même lorsque l’on essaie de le remonter.

Enfin, impossible de conclure sans mentionner le soin consacré au graphisme du livre. Forme et agencement des cases, choix d’une couleur dominante par ambiance ; l’esthétique de chaque page a été travaillée avec minutie. Jusqu’aux pages de garde couleur myosotis, fleur du souvenir.

Estelle Piraux