Histoire d’une œuvre en deux époques et quatre actes

Christiana MOREAU, La dame d’argile, Préludes, 2021, 315 p., 19 € / ePub : 13,99 €, ISBN : 978-2-253-04050-7

moreau la dame d'argileAu décès de sa nonna Angela, Sabrina hérite de « La belle dame », un buste en argile qui se transmet aux femmes de la famille de génération en génération. Restauratrice d’art, elle comprend instantanément que la valeur de la sculpture n’est pas uniquement sentimentale. Datée de la Renaissance, étonnamment signée d’un nom de femme, elle représente Simonetta Vespucci dite « La Sans Pareille », muse de plusieurs artistes phares du Quattrocento tels que Botticelli.

Angela avait ramené le buste d’Italie, au moment de rejoindre son mari venu travailler dans un charbonnage belge. Elle prenait grand soin de ce souvenir de son pays d’origine mais connaissait-elle la moindre bribe de son histoire ? Comment cet objet était-il arrivé dans leur famille ? Qui était Costanza Marsiato, sculptrice d’une époque où seuls les hommes avaient le droit d’être artiste ? Sabrina se met en quête de réponses, direction la Toscane, à la fois région de ses origines et berceau de la Renaissance.

La dame d’argile, ce n’est pas une mais quatre histoires. Racontées non pas successivement mais simultanément, dans une alternance systématique de chapitres consacrés à chacune des héroïnes : Sabrina, au 21e siècle, entre Bruxelles et la Toscane ; Angela, au 20e siècle, de la Toscane au bassin houiller liégeois ; Costanza, à la fin du 15e siècle, qui quitte son village toscan pour la Florence des Medici ; et enfin, vingt ans plus tôt, Simonetta, arrachée à sa Ligurie natale pour devenir la coqueluche des Florentins.

La dame d’argile, c’est un carnet de voyages. Ceux des héroïnes bien sûr, ceux des lecteurs aussi : en Italie, dans le temps et dans le monde et les métiers de l’art. Non seulement Christiana Moreau nous emmène à la découverte de quatre destins liés, mais elle s’emploie également à décrire les paysages italiens, à revenir sur des événements historiques, et ponctue son récit de notions d’histoire de l’art, en particulier au sujet du quattrocento. De ce fait, le style devient par moment plus pédagogique, moins littéraire. L’alternance des quatre récits et le quadruple début qui en résulte ralentissent un peu l’immersion dans l’univers du roman, mais une fois embarqués, on apprécie de découvrir, plus en détails que Sabrina et à un autre rythme, l’histoire de son précieux héritage.

Estelle Piraux