Fatoumata Fathy SIDIBÉ, La voix d’une rebelle, Luc Pire, 2021, 279 p., 22 € / ePub : 9.99 €, ISBN : 978-2875422132
Fatoumata Fathy Sidibé est une femme noire, de culture musulmane, laïque et féministe qui nous raconte ici son parcours militant pour les droits humains. Très tôt marquée par le contraste des rôles sociaux de l’homme et la femme dans son Mali natal, elle se forge naturellement un caractère de rebelle et de féministe face aux Maliennes prisonnières des traditions et du patriarcat
Elle arrive en Belgique pour passer son baccalauréat et une licence en journalisme, puis effectue quelques petits boulots avant de s’engager dans le mouvement « Ni Putes Ni soumises », dont elle deviendra la présidente du comité belge en 2006. Telle une amazone, elle ne craint pas de défendre ses convictions et de militer pour des combats qui dérangent : lutte contre les violences faites aux femmes, le patriarcat, le machisme, l’intégrisme, le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie… Fatoumata Fathy Sidibé est sur tous les fronts et propose un projet de cohésion sociale reliant avec discernement les effets à leurs causes, en défendant les valeurs incontournables de la démocratie que sont la mixité, la laïcité et l’égalité, et ce, en privilégiant des actions sur le terrain telles l’éducation, la sensibilisation et la libération de la parole.
Après des années de lutte pour le mouvement NPNS, elle se présente comme candidate FDF aux élections régionales de 2009 suite à une proposition d’Olivier Maingain. Le choc est rude : certains médias et certaines associations se distancient d’elle car elle a désormais une couleur politique. Elle découvre les guerres d’ego et de pouvoir, la virulence de l’opposition, un univers lourd et verrouillé où les manœuvres électorales sont courantes pour attirer les électeurs faisant partie d’une communauté.
Malgré ce contexte difficile, la Parlementaire ne se laisse pas décontenancer et continue son combat : elle lutte contre les discriminations à l’accès au logement, à l’embauche, à l’entrée des lieux de sortie, elle se positionne clairement pour l’interdiction des signes religieux ostensibles dans les services publics pour garantir l’impartialité de leurs agents.
Pour certaines féministes, le rejet du voile est associé au racisme et au sexisme. Je ne refuse pas l’idée qu’une femme voilée puisse être libre de son choix. Mais que les filles et femmes le portent par attachement culturel, conviction religieuse ou choix personnel n’enlève rien à la signification politique de ce voile sacralisé par les islamistes et imposé via un prosélytisme d’illuminés. Si ce voile est porté comme signe de respectabilité, du marquage des filles, de la séparation entre les vertueuses et les autres, quelle injure, quel mépris alors pour toutes celles qui ne le portent pas !
Elle se bat sans relâche pour la laïcité et dénonce une instrumentalisation des religions à des fins politiques (elle est d’ailleurs une des rares élues musulmanes à prendre position contre l’islamisme). Mais après 10 ans de mandat, elle décide de quitter la politique afin de rester fidèle à elle-même et de ne pas se trahir : « Beaucoup de gens entrent en politique avec un idéal. Certains le perdent en cours de route, surtout à force d’y rester trop longtemps. Il est sain qu’il y ait une vie avant et après la politique. La politique n’est pas un métier. C’est un mandat, un passage. »
La voix d’une rebelle est un témoignage écrit dans un style brut et sans fard qui ne peut laisser indifférent. L’autrice y évoque avec moult détails son parcours professionnel jalonné de victoires et de déconvenues. Elle prend la peine de nous décrire sa vision nuancée des valeurs chères à son cœur, même si celle-ci lui a valu des injures, des attaques et des amalgames.
Fatoumata Fathy Sidibé est une femme fière, libre, déterminée, insoumise et qui n’a pas sa langue dans sa poche : « Ceci dit, une fois ‘’élu de la diversité’’, ce n’est pas parce que les électeurs vous ont [fait] confiance que c’est le cas du parti. Le ‘’bronzé’’ de service ne doit pas trop la ramener, surtout sur des sujets électoralement sensibles ».
Fatoumata Fathy Sidibé, une femme qui court avec les loups…
Séverine Radoux