De Chamfort à Vermot

Gaëtan FAUCER, Le hasard arrive toujours à l’improviste, Cactus inébranlable, coll. « Les p’tits cactus », 2021, 72 p., 10 €, ISBN : 978-2-39049-044-9

faucer le hasard arrive toujours a l'improvisteL’aphorisme est un passe-partout utile à nombre d’écrivains pour pratiquer une forme de provocation (voire de subversion) sous divers déguisements. Il peut se mettre au service d’une idée forte, avec éventuellement une exagération propre à asseoir une réputation et à susciter la controverse. Au service aussi de la facétie par des tours de passe-passe sur le langage et sur les jeux de mots de tout poil, signifiants ou non. Au service aussi du culte hautement salubre de l’absurde. Son empire s’étend donc des jugements altiers de Chamfort au ludisme populaire de l’almanach Vermot, en passant par les apories existentielles de G.C. Lichtenberg ou Pierre Dac. (En ce qui concerne Vermot, au-delà du mépris bonhomme dont il est la cible, rappelons quand même qu’il ne manque pas de beaux esprits pour prétendre que les plus mauvais jeux de mots sont aussi les meilleurs). Cela pour dire que le champ d’action de Gaëtan Faucer dans son opus de poche, opportunément titré Le hasard arrive toujours à l’improviste, titille toute la gamme du genre.

Avec une sorte d’hyperactivité évoquée par Éric Allard, dédicataire de l’objet, qui écrit par ailleurs que Faucer « écrit des aphorismes comme d’autres tirent à la mitraillette ». La comparaison est d’autant plus pertinente que, comme dans les films de gangsters, le nombre de coups de feu dépasse sensiblement le nombre de « cartons ». On comprend que sur plus de 600 aphorismes, il y ait un certain nombre de balles perdues. Nul doute, à notre humble avis, que l’auteur en soit conscient, mais cela témoigne aussi d’une sorte d’honnêteté frondeuse qui consisterait à dire : « D’accord, ils ne sont pas tous excellents, mes aphorismes, mais les plus faibles sont aussi mes enfants et méritent donc d’exister ». N’écrit-il pas d’ailleurs : « Écrire un aphorisme, c’est donner la chance aux mots de parler. »

Cela dit, le tableau de chasse reste plus qu’honorable. On y dénombre pas mal de témoignages d’une belle lucidité : comme ceux-ci et bien d’autres :

Qui ne se contredit pas n’a pas tout dit.

La bêtise c’est quand on pense avoir tout compris.

Le Journal de Jules Renard n’a pas été écrit pour être lu, c’est ce qui en fait un chef d’œuvre.

Quel délice d’être con au bon moment.

Ou encore ce propos des plus judicieux :

Le comique doit être subversif, s’il ne l’est pas, il n’est que comique.

Une seconde partie du livre regroupe les aphorismes en divers thèmes comme Les maux d’hôpitaux, Quelle histoire ! Véganeries, etc. En ce qui concerne cette dernière photo de famille, on s’abstiendra de toute citation pour épargner les sensibilités ou les anathèmes de personnes trop impliquées par cet épineux sujet…

Ghislain Cotton