Sarah SEPULCHRE, Dis, c’est quoi le genre ?, Renaissance du livre, 2021, 96 p., 12,90 € / ePub : 7,49 €, ISBN : 978-2507057091
Avec « Dis, c’est quoi ? », la Renaissance du livre s’est dotée d’une pertinente collection de vulgarisation, forte aujourd’hui d’une vingtaine de titres. Récemment, elle s’est enrichie d’un nouveau volume consacré au genre. Il est signé par Sarah Sepulchre.
De la « théorie du genre » dénoncée à grands cris par les tenants de la Manif pour tous aux violences mises en lumière depuis le début du mouvement #metoo, en passant par les polémiques sur la transphobie, réelle ou supposée, de J.K. Rowling, la question du genre fait désormais régulièrement la une de l’actualité. Entendu souvent, défini rarement, le mot « genre » court le risque du flou et de la perte de sens. Dis, c’est quoi le genre ? offre dès lors une mise au point bienvenue. Sous la plume de Sarah Sepulchre, professeure à l’UCLouvain et spécialiste des représentations des hommes et des femmes dans les fictions télévisées, l’ouvrage a le mérite de fournir des informations claires dans un style à la fois accessible et concis. Il s’appuie sur une documentation solide : qui veut approfondir les notions évoquées dans un livre qui se veut surtout une introduction pour public non-averti, pourra se reporter aux nombreuses références mentionnées par la chercheuse.
Dès l’entame du livre, Sarah Sepulchre s’attache à définir et distinguer des termes souvent confondus : le genre n’est pas le sexe, et le sexe n’est pas la sexualité.
Le sexe biologique est déterminé à la naissance par les médecins qui le constatent en observant les organes sexuels externes. […]
L’identité de genre est la perception intime d’être un homme, une femme, les deux à la fois, ou ni l’un ni l’autre. Elle peut se créer indépendamment du sexe biologique. […]
L’expression de genre est la manière dont chaque personne affiche son identité de genre. Cela commence par l’apparence […] Mais cela inclut aussi les rôles et les fonctions qu’on assume […].
La préférence sexuelle est l’attirance romantique et/ou sexuelle qu’on ressent pour d’autres.
Ces bases posées, l’autrice déconstruit toute vision binaire, soulignant que le champ des possibles excède largement les cases masculin/féminin ou homo-/hétéro-sexuel. Relativement évidente pour ce qui concerne le genre et la préférence sexuelle, l’idée est sans doute moins intuitivement acceptable pour le sexe biologique. S’appuyant sur des théories récentes dont elle ne gomme pas les contradictions, Sarah Sepulchre montre toutefois que la réduction à deux possibilités mutuellement exclusives ne tient pas, là non plus, car elle méconnait à la fois le cas des personnes inter- et la distinction entre caractères sexuels primaires (l’appareil reproducteur) et caractères sexuels secondaires (« caractéristiques morphologiques, anatomiques et physiologiques comme la taille, la pilosité, la voix, la forme du squelette, le grain de la peau, etc. »).
Le livre met ensuite en discussion la norme patriarcale, à la fois dans ses fondements et dans ses conséquences, désastreuses tant pour les hommes que pour les femmes à qui elle impose d’étroits carcans :
le système de genre impose aussi des prescriptions et des proscriptions aux hommes. Si les femmes doivent être menues et jolies, les hommes doivent être athlétiques, forts, robustes et grands. […] Un homme efféminé ou en robe serait automatiquement assimilé à un homosexuel, car il manquerait de virilité.
Dis, c’est quoi le genre ? emprunte la forme dialoguée propre à la collection à laquelle il appartient : « Sarah », avatar écrit de l’autrice, s’adresse à deux adolescents qui lui posent des questions. Un faux échange qui a forcément quelque chose de scolaire et d’artificiel. De cette contrainte formelle, l’autrice parvient toutefois à faire émerger un discours précis, informé et nuancé. Celui que la thématique traitée requiert.
Nausicaa Dewez