Émilie PLATEAU, L’épopée infernale, Misma, 2021,268 p., 16 €, ISBN : 978-2-916254-89-0
Paru en 2019, l’album Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin, d’Émilie Plateau avait connu un accueil public et critique chaleureux. L’autrice nous revient avec un livre à la forme des plus originales intitulé L’épopée infernale. Les moins de cinquante ans (et les plus de vingt-cinq) se souviennent sans doute avec émotion et nostalgie des livres dont vous êtes le héros. Le principe de cette collection de livres-jeux est que l’histoire se construit au fur et à mesure de la lecture en fonction des choix de la personne qui lit : plusieurs fils narratifs sont possibles et ceux-ci aboutissent à des fins plus ou moins rapides et plus ou moins heureuses. Coup de génie : Émilie Plateau s’est emparée du concept et l’a adapté en bande dessinée pour nous raconter avec dérision les déboires très ordinaires des auteurs et autrices du 9e art.
Avant toute chose, il nous faut prévenir les lecteurs et lectrices : il est difficile de passer certains niveaux de ce livre-jeu. Nous sommes d’accord : cela peut s’avérer très frustrant, mais ce n’est pas la peine de balancer le livre par la fenêtre. Si vous parvenez à participer au Festival d’Angoulême en tant qu’auteur invité ou autrice invitée, c’est déjà un très bel accomplissement. Quelques conseils pour mener votre barque dans ce monde impitoyable : prenez garde à ne pas tomber dans le fanzinat et n’hésitez pas à tenir tête à votre éditeur si celui-ci dépasse les bornes. Dans votre épopée, certains moments bénits vous offriront un bref répit (ha, cette dédicace où l’accueil était parfait ! Incroyable ! ) tandis que d’autres prendront la forme d’un violent tourment (Quel enfer ce festival ! Dormir à 15 dans un tout petit salon en alignant les matelas gonflables sur le sol n’était pas une bonne idée…).
L’épopée infernale est un livre drôle, légèrement cruel et très jouissif. De l’éditeur versatile au libraire radin : chaque maillon de la chaîne du livre en prend pour son grade. Auteurs et autrices ne sont pas en reste : leur profond désir de reconnaissance, leur (relative) paresse et leurs petites insécurités sont brossés en quelques coups de pinceau bien placés. Évidemment, il s’agit d’une bande dessinée très référencée : c’est une plongée dans le milieu de la bd, dont l’autrice montre, avec humour, toute l’ambivalence. Entre petites galères et fugaces moments de gloire, les auteurs et autrices y tracent vaillamment leur route, tels les infatigables héros et (moins nombreuses) héroïnes de notre enfance…
Sa forme originale, l’humour ou le féminisme distillé par petites touches tout au long de l’ouvrage font de L’épopée infernale une joyeuse réussite. À mettre entre les mains de toutes les personnes qui rêvent sans honte des sommets de la gloire et qui n’ont pas peur d’en rire…
Marie Baurins