Thomas LAVACHERY, Le Netsuke, Esperluète, 2022, 192 p., 22 €, ISBN : 9782359841572
Dans Le netsuke, le nouveau roman de Thomas Lavachery, le narrateur Jacques Mellery raconte avec une tendresse douce-amère la fin de son adolescence. À cette époque, il passe ses journées hors de sa maison, dénuée de présence maternelle (par la mort) et paternelle (par l’effacement). En-dehors de l’école, où il ne brille pas par son implication, il explore sa commune et fréquente aussi bien les esseulés que les familles de ses camarades au sein desquelles il se voit accueilli avec évidence. Encore maintenant, « [il] ignore ce qui plaisait en [lui] mais [il] ne devai[t] pas en faire beaucoup pour [s]e faire accepter ». Peut-être était-ce dû à sa plasticité sociale, sympathique petit caméléon lui qui « changeai[t] de manière d’être, de parler, en fonction des personnes avec qui [il] se trouvai[t] ».
Le Jacques d’alors se découvre de multiples passions, des plus physiques aux plus cérébrales. D’un côté, après une dérouillée en bonne et due forme infligée par une crapule de quartier, il se lance à corps perdu dans l’exercice de la boxe. Malgré sa gnaque rageuse, il ne deviendra pas le Ryad Merhy des années 1980 et ne décochera finalement ses uppercuts que sur le ring du club de boxe de la rue Cervantès. Mais il remportera un prix autrement plus précieux : l’amitié indéfectible d’Eddy Friessen, le bras droit du coach, un cœur tendre aux manières bourrues, à l’humanité débordante. D’un autre côté se déploie en lui la nécessité de l’écriture. « C’est lors d’un cours de géographie, par une après-midi languissante, qu[’il a s]a première vision de romancier. » Sa plume s’agite, les mots fusent, les histoires prennent vie. Très vite, il diffuse ses œuvres et recueille les avis de ses proches. Et l’adage se révèle d’une justesse indiscutable : c’est en écrivant qu’on devient écrivain. Entre ces deux activités prenantes, Jacques entretient des amitiés variées, explore les puces (celles de la Place du Jeu de Balle ayant sa préférence) où il déniche des trésors et initie plusieurs collections… et s’essaie à l’amour. Il y aura Liliane Flausse, libre et inconstante ; et aussi Anna Olt, farouche, fragile et brillante. Chacune imprimera des vibrations et des impressions durables sur lui…
Lavachery signe ici un roman d’apprentissage rythmé. À travers de courts chapitres, il brosse les lignes directrices de la construction d’un être curieux de tout, avec le regard distant qu’offre le recul sur les événements. Son style, clair, maîtrisé et fluide, porte avec précision les réflexions du narrateur, évoque avec bonheur le Bruxelles d’antan et esquisse avec efficacité le portrait des personnes/personnages qu’il côtoie. Autant de bonnes raisons de se plonger dans Le netsuke…
Samia Hammami
Plus d’information
- Thomas Lavachery, un aventurier de l’écriture (Le Carnet et les Instants n°201, 2019)
- La fiche de Thomas Lavachery