Les reconstructions

Lénaïc BRULÉ, Ricochet, Lansman, 2022, 52 p., 10 €, ISBN : 9782807103610

brulé ricochetComment continuer à vivre quand on vous annonce le pire ? Comment faire son deuil ? Surmonter la douleur face à la mort de son enfant ? La vie, telle un ricochet, impose parfois des rebonds imprévisibles.

Alors qu’elle vient d’arriver dans la bibliothèque où elle travaille, Claire reçoit un terrible appel : elle est demandée urgemment à l’hôpital. Son mari et son fils ont eu un grave accident de voiture. Arrivée sur place, on lui annonce que son mari, Martin, est en salle d’opération et qu’il va s’en sortir. Malheureusement, ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour leur fils, Sacha, qui est décédé.

Par fragments et dans un jeu d’allers-retours entre passé et présent, Lénaïc Brulé nous donne deux points de vue sur ce deuil qu’il va falloir affronter. Deux points de vue sur la pater/mater·nité. Il y a la parole de Claire, celle du passé, qui, à la troisième personne, raconte son histoire d’amour avec Martin, leur rencontre place du Jeu de Balle, le voyage à Milan, l’emménagement, la grande envie de Martin d’avoir un enfant, la grossesse, l’arrivée de Sacha, les grands bouleversements liés à la maternité, le corps qui change, la fatigue toujours décuplée, l’anxiété, le ras-le-bol qui peut surgir à tout moment… Parallèlement, l’autrice raconte, par la voie du présent et de Martin, toute l’énergie qu’il met pour comprendre l’accident. Il aimerait entendre que la ceinture de Sacha était bien bouclée. Mais l’était-elle réellement ? Il refuse le règlement à l’amiable de l’assurance et s’engouffre dans une longue procédure judiciaire. Claire ne veut pas l’accompagner là-dedans. Les deux parents vivent chacun leur deuil à leur manière. L’une veut mettre de l’ordre dans les affaires de Sacha et déménager au plus vite. L’autre ne veut surtout pas ranger le petit train qui traine dans le salon.

Comédienne, metteuse en scène et autrice, Lénaïc Brulé signe, avec Ricochet, son premier texte publié. L’autrice, qui a à cœur, par son travail, de faire entendre la parole des personnes invisibilisées, dédie ce livre « à toutes les mères, celles qui le deviendront, celles qui choisiront de ne pas le devenir, celles qui regrettent de l’être devenue ». Avec ce texte, elle dit haut et fort les difficultés qui peuvent être liées à la maternité. Un rôle qui n’est pas toujours choisi.

À travers Ricochet, on sent tout l’amour que l’autrice porte aux mots. Le titre a une belle résonance sémantique. Lénaïc Brulé a recours à plusieurs reprises à la figure de l’énumération. Ces délicieuses successions de mots placent, en quelques lignes, le cadre ou permettent d’en apprendre beaucoup sur les personnages :

Martin : L’amour des vielles choses
L’histoire des objets
La mémoire

Claire : Études d’histoire de l’art
Manque de débouchés
Agence pour l’emploi
Formation en céramique
Mi-temps dans une bibliothèque 

Dans un style fluide et direct qui laisse la place aux échappées narratives, Lénaïc Brulé évoque le difficile thème du deuil. Pourquoi Claire et Martin ne réagissent-ils pas de la même manière ? Mais, depuis le début de leur relation, ont-ils réellement vécu la même histoire ?

Émilie Gäbele

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