Dominique VAN COTTHEM, Réparer nos silences, Genèse, 272 p., 22,50 € / ePub : 13,99 €, ISBN : 9782382010228
Enfant abandonné à la naissance, Ludovic a vécu en institution jusqu’à son accueil dans la famille de Laura et Christian, en qui il trouve un port d’attache où se reconstruire tant bien que mal. Narrateur principal, il nous apparaît alors que la police vient d’annoncer le meurtre de son père adoptif, abattu à bout portant dans les toilettes d’une station-service. Pour la famille de ce transporteur routier sans histoires, le séisme est total. La police émet l’hypothèse d’un règlement de comptes lié à un trafic, mais elle piétine faute d’indices.
Chez Ludovic, qui a dû lutter contre ses angoisses liées à l’abandon, le malheur qui survient ranime d’anciens démons. Déboulent en lui des séquences de sa vie d’enfant placé dans une institution douteuse, où les petits pensionnaires subissaient le comportement abusif des adultes auxquels ils étaient confiés. Brimades, privations, punitions physiques et abus sexuels étaient constants et d’une rare perversité. En marge de l’enquête, ces souvenirs douloureux se rappellent à lui avec acuité, d’autant qu’il ne s’en est jamais ouvert à personne. La violence de cette petite enfance piétinée offre un plein contraste avec la chaleur de sa famille d’accueil et le soin mis par ses parents adoptifs à le soutenir dans ses projets d’avenir. Aujourd’hui, il est mécanicien automobile et il tient à se montrer digne de la générosité et de l’attention dont il a bénéficié. En amour, il peine à s’engager, mais sa récente relation avec Constance lui a ouvert de perspectives de bonheur. Aussi, quand il décide de laisser là son métier pour entrer dans la police, son entourage est-il perplexe. Lui seul sait où il veut en venir et sa détermination sera totale, devenant le fil rouge de la suite du roman dont on se gardera de dire plus.
Dominique Van Cotthem manie l’intrigue avec talent. Une fois de plus, comme dans ses deux premiers romans, elle dénoue les fils des vieilles blessures, dénonçant les pouvoirs pris sur autrui qui détruisent et enferment. La chance de Ludovic, c’est la force qu’il trouve auprès de sa famille d’adoption et de Constance. Entre tous, s’impose à nous le personnage de Laura, une mère courage qui force le respect et dont l’amour inconditionnel vient à bout de tout. Tout en trempant sa plume dans le sang noir des bassesses humaines, ainsi que savent le faire les thrillers les plus durs, Réparer nos silences nous offre ainsi de beaux moments d’espoir et de chaude solidarité, proposant de ce fait un cocktail plutôt rare et ma foi bien plaisant. Comme dans Le sang d’un autre (2017) et Adèle (2022, l’autrice prend le soin de situer la narration dans des lieux qui nous sont proches, ici dans la région de Liège, pour dérouler une narration tout à la fois intense, intime et profondément humaine.
Thierry Detienne