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Odile d’OULTREMONT, Une légère victoire, Julliard, 2023, 256 p., 20 € / ePub : 15,99 €, ISBN : 9782260055716 

odile d'oultremont une legere victoireUn bouquet de renoncules et de roses sur le siège arrière d’une Dacia hybride neuve destiné à au père décédé il y a dix ans, un feu qui passe au vert, une déflagration. Une collision qui entrechoque deux existences, un impact, une croisée des chemins pavée d’une culpabilité dévastatrice qui engendrera prise de conscience, repentir et renouvellement de soi.

Nour Delsaux est une jeune trentenaire qui se conforme à une vie subie, absurde par ses exigences et ses exiguïtés, elle traverse son existence, a mis ses rêves de journalisme de côté et, certains jours, « se félicite de n’être que ça : une assistante de rédaction docile et efficace qui fait le job, sans angoisses majeurs ni calendrier surchargé. ». Yarol Ponthus compte près d’un quart de siècle derrière les barreaux et son existence, emmurée dans 8 mètres carrés, touche bientôt une liberté retrouvée, un nouveau contact avec la vie qui le terrifie. Dehors, il y a sa fille, Constance. « Mais comment espérer qu’elle soit heureuse de le revoir après tant d’années de crimes et de délits ? Et pourtant, elle est là. Dehors. Réelle. » Mais cette réalité vient se fracasser sur un parechoc. Un accident. Pour la loi, « que les choses soient claires, Madame Delsaux : c’est l’autre dame qui est en tort. Elle en est morte mais c’est, entre guillemets, de sa faute. ». La culpabilité s’invite alors chez ces protagonistes, ronge et enlise leur difficulté d’être. Jusqu’au jour où Nour reçoit une lettre de Yarol : « Me feriez-vous l’amabilité d’une visite ? ».

Avec Une légère victoire, Odile d’Oultremont signe son troisième roman. Dans une alternance de poésie et de quotidien trivial, son style se distingue par des descriptions minutieuses et des images qui « sonnent » ; sa plume traduit le réel, avec un pointillisme lexical évocateur. Ses personnages de premier plan sont d’une grande épaisseur, l’omniscience du narrateur, en dévoile les pensées, les remords, les regrets, ils guident la narration et prennent vie au fil des mots. Les personnages secondaires ne sont pas en reste : le père Diego, « le putain d’homme de Dieu » aux allures trop familières, à la voix grave et à l’accent du cru bien prononcé ; Simon, le voisin du dessus dépositaire des secrets de la fille avec qui ça n’a pas marché ; Jeff, le « grand brun sacrément baisable », apprécié et puis révélé, et les autres, des actants, dessinés avec finesse, qui allègent le drame et contribuent à la résurgence du désir vital.

Dans ce troisième opus, des topoï se distinguent, des configurations narratives se condensent et des motifs se diluent dans les grands récits de l’autrice : le deuil, la paternité, les rencontres antinomiques, l’émancipation, la conquête de soi et la force du Verbe.

Sarah Bearelle