L’amour-camaraderie

Christine DELMOTTE-WEBER, La cabane d’Alexandra Kollontaï, Oiseaux de nuit, coll. « Rideaux rouges », 2022, 112 p., 10 €, ISBN : 9782931101599

delmotte weber la cabane d'alexandra kollontaiAlix rencontre Julia, par l’intermédiaire d’une amie commune. Dès les premières secondes passées ensemble, elles tombent dans les bras l’une de l’autre. S’ensuit une relation. Julia est aussi en couple avec Samuel. Enfin, « en couple » n’est pas tout à fait le terme approprié. Samuel goûte aux joies du polyamour et n’a pas moins de quatre relations au même moment. Il encourage Julia dans cette voie, mais elle est plus réticente. Des pointes de jalousie surgissent, surtout quand Alix rencontre Samuel et que ces deux-là se plaisent à leur tour. Alix découvre ce nouveau mode de relations. Leur rencontre a lieu dans la cabane de Samuel, un lieu retiré où il désire vivre autrement. Son rêve serait de s’épanouir au sein d’un polycule, c’est-à-dire un groupe polyamoureux. Selon lui, le couple ne laisse pas de place à l’individualité. Sa référence dans le domaine est Alexandra Kollontaï, une communiste et militante féministe marxiste soviétique, qui a forgé une nouvelle conception du monde. Il a d’ailleurs donné son nom à sa cabane.

Parallèlement à cette histoire, on suit, à plus petite échelle, sous forme de maquette avec des marionnettes, Alexandra Kollontaï. Elle a théorisé une nouvelle morale sentimentale, l’amour-camaraderie. Cette forme d’expression amoureuse a donné naissance au concept moderne de polyamour.

Très friande de mélanger les petites histoires avec la grande, Christine Delmotte-Weber multiplie les allers-retours entre le passé et le présent. On voit Alexandra Kollontaï, à sa table qui théorise son concept d’amour-camaraderie (début du 20e siècle). Parallèlement, on suit les parcours d’Alix, Julia et Samuel qui se frottent au polyamour.

À travers La cabane d’Alexandra Kollontaï, l’autrice pose un regard intéressant sur la notion de couple et les rapports amoureux. En prenant toutefois un rôle masculin – Samuel – pour mener la danse de ce polyamour, elle interroge les limites de ce concept. N’y a-t-il pas aussi finalement des rapports de force et de la jalousie ? Peut-on considérer le concept comme totalement féministe ?

Avec beaucoup de précision, le texte nous entraine à travers différentes émotions qui passent par le rire de l’enfance avec la présence de jeux, ou encore la sensualité avec la proximité des corps et le désir. L’onirisme se déploie également à plusieurs reprises à travers de nombreux rêves, souvenirs et un oiseau qui plane au-dessus du plateau de théâtre. La pièce, publiée aux éditions Les oiseaux de nuit, a été créée en janvier 2023, au Théâtre des Martyrs, dans une mise en scène de Christine Delmotte-Weber elle-même.

 Émilie Gäbele

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