En bordure de crépuscule

Corinne HOEX, L’ombre de toi-même, Tétras Lyre, 2023, 68 p., 15 €, ISBN : 978-2-930685-69-4

hoex l'ombre de toi-mêmePublié aux éditions Tétras Lyre, le dernier ouvrage de Corinne Hoex semble le miroir d’un autre, paru une dizaine d’années auparavant dans la même maison, L’autre côté de l’ombre (2012) : format identique, coexistence du texte et de l’image,  questionnement du visible et fractionnement d’un long poème en petites parts subtiles – comme pour étirer les secondes et y puiser plus encore de matière à explorer. L’ombre de toi-même est un livre délicat, patiemment tissé entre les instants nébuleux qui marquent l’entrée dans la nuit.

Tu viens au monde le soir.
Le projecteur s’allume
au pied de la chapelle,
ravit dans son faisceau
les branches du tilleul,
le feuillage du grand chêne.

De cette lumière
chaque nuit tu nais.

Cette fois cependant, Corinne Hoex voyage en solitaire. Si elle arpentait les contours de l’absence en compagnie du peintre Alexandre Hollan dans L’autre côté de l’ombre, elle se trouve aujourd’hui à l’origine de l’image  comme du texte : celles qui jalonnent L’ombre de toi-même sont des photographies indissociables des mots, issues d’un surgissement conjoint, éphémère et pourtant renouvelé tous les soirs d’un été suspendu aux fenêtres. L’été 2020, Corinne Hoex découvre une ombre nouvelle sur ses murs, engendrée par la lumière d’un projecteur posé au pied de la chapelle voisine. C’est de cette rencontre fortuite dont l’autrice fait le récit, précis et sensible, dans cet ouvrage aux tonalités ardentes.

Dans l’attente d’un corps,
elle vient vivre à ta place.

Si tu allumes, elle est le mur.

À travers la déclinaison d’un même motif, Corinne Hoex expose le trouble que suscitent les variations infimes portées par les images. Ce principe de répétition permet de déployer l’instant autant que la matière du réel, dans une succession de tableaux fantomatiques où les couches d’illusion et de réalité se superposent au point de se confondre dans un entre-deux fiévreux, mordoré, aux frontières du réalisme magique.

Par le biais de l’écriture comme de la photographie, L’ombre de toi-même parvient subtilement à fixer différents stades de l’éphémère. L’occasion pour l’autrice-photographe de questionner les projections (de soi), l’(im)matérialité du corps mais aussi les limites entre soi et le monde, interrogeant ce qui traverse portes et fenêtres scellées pour parvenir à l’intimité, jusqu’au point de rencontre avec soi-même – qui est aussi celui de retrouvailles possibles avec une amie, une mère, une fille.

La lumière te traverse
à l’envers de toi-même.

Tu existes à l’envers.

Louise Van Brabant

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