Maureen DOR, Concert au réfectoire à 16h30, Buchet Chastel, 2023, 254 p., 19,9 € / ePub : 13,99 €, ISBN : 978-2-283-03849-9
Bernard Verrat à la ville est Hervé Vincent à la scène. Pas celle de grandes salles, non. Celle que son assistante de fille lui installe dans les maisons de retraite où il donne des récitals tout au long de l’année. Voilà 25 ans que cet ancien chef d’entreprise s’est reconverti en crooner après avoir tout perdu. Et même si ses concerts ont lieu à 16h30, il ne ménage pas ses efforts pour plaire à son public du troisième âge. Depuis cinq années, sa fille Lydie l’a rejoint à bord de la camionnette aux lettres dorées « HERVÉ VINCENT, LA MUSIQUE DES CŒURS, LA MUSIQUE AU CŒUR » et sillonne la France avec lui. Elle a même agrémenté le show d’un moment très apprécié des spectateurs, le clou du spectacle : une tombola un rien particulière, avec tirage au sort quelque peu trafiqué. Car si le gagnant, ou plus probablement la gagnante, pouvait à son tour se montrer généreux avec le chanteur, Lydie se rapprocherait de son rêve d’une autre vie, dans la luxueuse maison de son enfance.
Derrière l’apparente dureté de Lydie se cache une enfant blessée : abandonnée par sa mère, envoyée en pension par son père. En s’invitant dans son projet artistique, elle a entamé un jeu de « suis-moi je te fuis ; fuis-moi je te suis », auquel Hervé se plie, entre bonheur de passer du temps avec sa fille et regrets de ne l’avoir fait plus tôt.
Jusqu’à quand voudra-t-elle me faire mal ? Une prescription est-elle envisageable pour les problèmes familiaux au tribunal de la mémoire ? Elle se colle à moi depuis cinq ans pour mieux me crier que je n’ai pas été à la hauteur de sa détresse. Je ne sais pas à qui elle fait le plus de mal en faisant cela. À moi ou à elle-même ?
Le duo familial se partage la narration pour nous emmener à la fois dans leur road trip ponctué d’Ehpad et leur histoire familiale, nous permettant ainsi de croiser leurs points de vue. Entre leurs bisbrouilles perpétuelles et les réflexions que leur pudeur et leur fierté empêchent d’avouer tout haut, ces deux oiseaux tombés du nid s’attirent et se repoussent comme des aimants que l’on retournerait continuellement pour jouer avec leurs polarités. Un rapport parent-enfant plutôt classique en fait, qui lui aussi s’inverse régulièrement, au fil des pages.
Le premier roman de Maureen Dor est l’adaptation d’un scénario (écrit par l’autrice et Vincent Baguian) et on le sent : difficile de ne pas voir le film se dérouler devant ses yeux à la lecture de Concert au réfectoire à 16h30. Le style est clair, dynamique, souvent léger, conforme à l’idée que l’on garde de celle que l’on a découverte sur le petit écran. C’est un divertissement original et plein de tendresse qu’elle nous propose, cette fois par écrit.
Estelle Piraux