Un coup de cœur du Carnet
Jean Claude BOLOGNE, Légendaire, Taillis Pré, 2023, 144 p., 17 €, ISBN : 978-2-87450-212-5
Taillé dans une langue poétique extrêmement fine et précise, le nouvel opus de Jean Claude Bologne, Légendaire, a paru aux éditions Le Taillis Pré, après le non moins magnifique recueil Rituaire (2020) du même auteur.
Scindé en trois parties, intitulées « Il est un peuple », « Ce que content les arbres » et « Le roi rebelle », ce recueil oscille entre poésie, suite de petits contes et paraboles. Chaque partie est dédiée à un écrivain en particulier : Otto Ganz, Werner Lambersy et Michel Host, témoignant de la constellation qui se tisse autour du livre. Trois œuvres viennent ainsi se poser en frontispice de chacune des sections.
Les espaces intérieurs sont infinis et tout un peuple s’est mis à les arpenter en lui-même. Il y découvre des îles vierges et des déserts jamais foulés. Parfois, il s’empêtre dans ses neurones ou piétine des idées. Ce sont les aléas de ses promenades.
La première partie, construite sur le principe de l’anaphore, déploie la souffrance, la douleur, le saignant, tout en épousant les lignes qui vibrent dans la relation à l’autre, au vivant. D’une finesse remarquable, cette partie vient soulever en nous les appuis les plus à mêmes de démultiplier notre propension, par moments éteinte, à l’émerveillement.
Le figuier, qui se taisait depuis l’origine, éleva la voix, fit chanter le silence, et tout fut dit.
La deuxième partie, émaillée de références bibliques (parfois en les subvertissant), creuse le lieu de la parole à partir de l’image de l’arbre… S’enchaînent et s’enchâssent des « dits » (le dit du ginkgo, de l’olivier, du pommier,…), invitant à écouter, au sens fort, la nature et ses cycles de croissance, à l’heure de la destruction concertée de ceux-ci.
Qu’aurait-il pu nommer, à l’heure où le Verbe se fit chair, sinon le vide infini et l’absence éternelle ? Mais ce souffle infime, cette syllabe échappée était déjà le scandale de l’existence et la splendeur d’un monde dans ce qui n’avait encore ni lieu, ni temps, ni nom.
La dernière partie interroge la place de l’Homme dans le monde, et également la manière dont s’agencent les affects, se composent les relations. Elle pose l’espoir qu’un jour, nous arriverons à voir au-delà, plus loin que nous.
Le recueil Légendaire de Jean Claude Bologne donne à la notion de « récit » ses lettres de noblesse : raconter des histoires est un acte de salvation – l’un des plus à même de reformer l’écorce des mots et de la présence quand tout à l’entour de nous est un désastre sans nom.
Charline Lambert