Frank ANDRIAT, Une île lointaine, Ker, 2023, 138 p., 10 € / ePub : 4,99 €, ISBN : 978-2-87586-430-7
Valentin a quinze ans et la vie devant lui. Son grand-père, cinq fois cet âge, et une maladie dégénérative qui rend sa fin de vie tristement tangible. Et puis, il y a Apollon, le drahthaar que Valentin a reçu pour Noël alors qu’il pouvait à peine parler, son meilleur ami, son confident de toujours, son frère. Lui aussi décline. Quatorze ans, c’est déjà un âge honorable pour un chien.
Évidemment, les situations de ses deux êtres chers sont différentes mais elles comportent également leur lot de points communs. Valentin assiste impuissant à leur affaiblissement, tout en continuant de partager avec eux ses préoccupations d’adolescent. Pour séduire Martha, Papy reste de bon conseil. Et parler à Apollon permet d’avoir les idées claires.
« Me confier à toi me permet de devenir l’observateur de ce que je vis et de ne plus être l’esclave de mes émotions, de mes rancunes et de mes peurs. »
« La complexité et la bêtise des hommes ne te touchent pas. Et tu as bien raison. Pour vive plus serein, je devrais prendre exemple sur toi. »
Dans la famille de Valentin, on ne manque pas d’humour, ni d’esprit : on est philosophe de génération en génération. On essaie de ne pas se laisser abattre et de toujours aller de l’avant. Alors, même quand le chagrin s’invite, Valentin n’en reste pas moins positif. Il accepte ce qu’il ne peut pas changer, en en tirant des leçons sur la vie.
Vieillir, c’est rétrécir alors qu’à mon âge, l’univers semble en expansion continue.
Par procuration, il explore cette île encore si lointaine pour lui, reconnaissant pour ce qu’ont déjà pu lui apporter ses relations privilégiées.
À quinze ans, on ne songe pas à la vieillesse, elle ressemble à une île lointaine qu’on n’atteindra jamais.
Une très jolie couverture un brin mélancolique, une quatrième de couverture qui renvoie à la perte d’êtres chers, en se plongeant dans Une île lointaine, on peut craindre de se laisser submerger par l’émotion, de voir la lecture gênée par une vue embuée, d’avoir à garder les mouchoirs à portée de main. Pourtant, d’une plume sensible et sincère, Frank Andriat propose un roman à la fois touchant et lumineux.
Tu profites de ce qui t’est donné à vivre et tu ne te rends pas malheureux avec mille désirs inaccessibles.
Par le biais de Valentin s’adressant à son fidèle compagnon, l’auteur aborde des sujets sombres comme joyeux, dans un subtil mélange d’authenticité et de douceur, toujours teinté d’un brin de malice, et de beaucoup de tendresse. Une île lointaine n’est pas une histoire triste, c’est un récit de vie, le récit de plusieurs vies et des amours qui les lient, jusqu’au bout. Et si l’émotion est bien là, larmes et sourire se côtoient.
Estelle Piraux