Archives par étiquette : L’âne qui butine

David Besschops ou l’incommunicabilité

Un coup de cœur du Carnet

David BESSCHOPS, Faut-il que tout meure pour que rien ne s’achève ?, L’Âne qui butine, coll. « Troglodyte », 2022, 11 €

besschops faut il que tout change pour que rien ne s acheve« On ne comprend pas quel drame j’ai prétendu ouïr. »

À contre-courant d’une littérature contemporaine perpétuellement en fête et de ses parades menées tambour battant avec force pétarades, le travail de David Besschops s’impose comme l’un des plus intransigeants de notre époque. Aux recueils Trou commun (2010), Avec un orgasme sur la tête en guise de bonnet d’âne (2017) ou Placenta (2018) vient s’ajouter ce petit opus, Faut-il que tout meure pour que rien ne s’achève ?, publié aux éditions L’Âne qui butine. Peu (re)connus, les ouvrages de Besschops, depuis son premier recueil Carmen (2006), sont de ceux qu’on se passe sous le manteau ou qu’on acquiert comme des livres de collection. Ainsi, sans doute, de certains des plus grands livres ou des plus grands écrivains : peu de paillettes, peu de médailles mais un halo feutré et pérenne.   Continuer la lecture

« Déambulons dans le non-dit »

Un coup de cœur du Carnet

François LIÉNARD, Lieux dits, Collages de F. Liénard, Âne qui butine, coll. « Xylophage », 2021, 230 p., 22 €, ISBN : 9782919712274

liénard lieux dits« On ne part pas » décrétait, dans Mauvais sang, celui que l’on surnommait pourtant « l’homme aux semelles de vent ». C’est que le rapport du poète au voyage est contrarié, du fait qu’il est voyant : il est moins un corps qu’un regard qui se déplace. Les décors se muent en mots, les façades ne dissimulent jamais qu’elles-mêmes, tous les artifices des villes sont dénudés en un clin d’œil…

François Liénard, vous connaissez ? Mais si… Vous l’aurez croisé dans quelque train entre Bruxelles-Midi et Charleroi-South ou vers Mons via Buizingen, ou encore à la jetée d’Antwerpen, à Lisbonne, à København, à Venise, ou dans quelque ville-musée « Inscrite au Patrimoine mondial d’une / Humanité qui ne se reconnaît plus », ou dans des confins moins accessibles encore, Châtillon, Virton-on, Arlon. Continuer la lecture

Verheggen enfin chez Vondel !

Jean-Pierre VERHEGGEN, Pubères, Putains / Pubers, Pietenpakkers, traduction Christoph BRUNEEL, Âne qui butine, 2019, 2013 p., 22€, ISBN : 978-2-919712-23-6

Il n’est pas dans les habitudes du Carnet de recenser les traductions d’œuvres littéraires belges francophones vers d’autres langues. Une exception pourtant aujourd’hui tant l’entreprise qui voit le jour constitue une première, un défi relevé et entamé il y a trois ans par Christoph Bruneel, relieur de formation et animateur avec Anne Letoré des éditions L’Âne qui butine. Le pari ? Traduire intégralement en néerlandais un recueil de Jean-Pierre Verheggen, en l’occurrence Pubères, Putains, sans doute l’un des textes les plus connus, les plus aboutis du poète. Un pari assez fou en effet d’autant que Verheggen se plaît à rappeler avec humour que même en français il n’a jamais été adapté, empruntant en cela à Jules Renard sa formule ironique à l’encontre de l’auteur d’Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, « Mallarmé, intraduisible même en français ! » Continuer la lecture

« Créer sa liberté ! »

Anne LETORÉ, Françoise LISON-LEROY, Colette NYS-MAZURE (textes), Annette MASQUILIER (illustrations), Rouge mise en plis, avec une postface de Marianne Kirsch, L’Âne qui butine, coll. « Scolopendre », 2017, 124 p., 29€, ISBN :  978-2-9197-1218-2

rouge mise en plis 1.pngTout part d’Annette Masquilier. Artiste plasticienne et animatrice d’un atelier de théâtre et de marionnettes pour personnes handicapées mentales, elle interroge dans son travail l’humain et la société, avec un accent particulier mis sur les femmes : « Ma création parle des femmes, mais questionne également… Qu’en est-il des codes, des non-dits, des images qui nous sont imposées par la société et que l’on s’impose… C’est une recherche de liberté d’être, de parole, de vérité, de retrouver son essentiel, propre à chacun, à chacune… » Son credo ? « Créer sa liberté » ! Alors, elle a dessiné. Une femme, épouse, mère, d’âge moyen. Une femme au visage vidé de ses traits (même si, parfois, des larmes coulent). Une femme d’intérieur, tablier orange ; une femme à l’intérieur, escarpins rouges. Une femme bardée d’une serpillière, d’une poêle, d’oreilles, de jambes coupées, d’un cœur éprouvé. Une femme qui picore sa vie. Une femme tiraillée par des aspirations contraires ; enracinée, légère. Une femme à la recherche de ses cailloux de Petite Poucette. Continuer la lecture

Le chant ininterrompu de Werner

Werner LAMBERSY, dessins de Laurence Skivée, Ball-trap, suivi de Je me suis fait un non, L’âne qui butine, 2017, 106 p., 22 €, ISBN : 978-2-919712-14-4 ; Hommage à Calder, Ed. Rhubarbe, 2017, 81 p., 8€, ISBN : 978-2-374750-16-3 ; Ici l’ombre (journal de résistance), Cygne, 2017, 50 p., 10€, ISBN : 978-2-84924-486-9

lambersy hommage a calderOn pourrait dire de Werner Lambersy que c’est un polygraphe et ce serait extrêmement réducteur. Ajouter peut-être qu’il est virtuose mais ça ne suffirait pas encore. Aussi à l’aise dans la forme courte, le haïku, l’aphorisme, que dans le poème long, Werner nous surprend à chaque nouvelle publication. Car c’est bien à l’ensemble d’une œuvre importante et protéiforme qu’il convient de rattacher ces recueils qui paraissent simultanément. Il n’est donc pas étonnant de trouver parmi les trois phrases d’exergue qui ouvrent son Hommage à Calder, celle de l’écrivain portugais Antonio Lobo Antunes : « Il faut sans cesse trouver une autre façon d’écrire pour exprimer ce qu’on veut vraiment dire ». Ce à quoi s’attelle Werner dans une œuvre où chaque nouvel opus vient consolider encore un peu plus l’édifice dont l’une des premières pierres fut posée avec Maîtres et maisons de thé dès 1979. Continuer la lecture

Besschop(s) ou la souille familiale

Rony DEMAESENEER

besschops_demaeseneerLes éditions de L’Âne qui butine ont le don de dénicher des météores littéraires ! Au gré des trouvailles, le catalogue s’affirme, s’affine, s’affûte. Leur belle et exigeante collection « Xylophage » (dont chaque ouvrage est tiré précisément à 317 exemplaires sur un Vergé choisi) s’enrichit d’un texte hors norme, inclassable. Continuer la lecture