Poésie belge en deux langues et trente voix

Belgium Bordelio, Arbre à paroles et PoëzieCentrum, 2015, 454 p., 24,50 €

bordelio

Belgium Bordelio. Autant le titre de cette anthologie de poètes belges se veut un peu lourdement intrigant, provocant, autant l’idée qui la porte convainc et séduit. Réunir trente auteurs de chez nous, flamands et francophones en nombre égal, présenter brièvement chacun et publier quelques-uns de ses poèmes, en version originale et en traduction, il était temps d’y penser. De s’y colleter.

Au vrai, le projet de cette traversée d’une langue à l’autre, pour que les poètes s’exprimant dans l’une cessent d’être des inconnus aux yeux des lecteurs pratiquant l’autre, avait été tenté voici plusieurs années par Willy Tibergien, rédacteur en chef du Poëziekrant (Journal de poésie) et le poète, traducteur et critique Jan H. Mysjkin. Non sans mal, il aboutissait au recueil Poèmes prélevés d’un journal flamand, groupant quinze auteurs flamands peu ou pas traduits en français, qui a conquis l’Arbre à paroles. Il se réalise pleinement aujourd’hui sous la forme de cette anthologie bilingue qui court d’Un poème d’amour, du romancier et essayiste flamand Christophe Vekeman, à des textes insolites de Vincent Tholomé, Prix Triennal de Poésie en 2011. Avec pour maîtres d’œuvre Antoine Wauters et Jan H. Mysjkin. Sous les auspices du PoëzieCentrum de Gand et de la Maison de la Poésie d’Amay.

Les poètes de langue néerlandaise ont été choisis parmi ceux présents dans les colonnes du Poëziekrant (qui, modeste journal à ses débuts dans les années septante, est devenu une revue littéraire de référence); ceux de langue française, dans le fonds de l’Arbre à paroles et des éditions Maelström. Sauf exceptions, tel Jacques Izoard (1936-2008) qu’on est heureux de retrouver, trop brièvement à notre gré, les auteurs sont nés après 1955, la benjamine, Julie Remacle, en 1984.

L’ensemble offre un paysage vivant, divers, parfois surprenant. On part à sa découverte, tour à tour curieux, ému, déconcerté, amusé, franchement bousculé. Au gré des inspirations, des formes et des couleurs contrastées.

Illustrons-les par quatre fragments.

Les premiers écrits en français, avec, en regard, la version néerlandaise :

à 9 heures du monde je touche à chaque instant dans le grand puits bleu de l’été mais c’est sans le savoir je me sens femme je ne sais pas ce que cela veut dire c’est un peu bête et doux et plein (Véronique Daine)

Je ne suis pas un amant / la carte du Tendre m’est / de toutes la plus extrême / mes doigts sont gourds chaque fois / qu’ils l’explorent en surface / je suis affecté quand j’aime / gauche sinistre et lointain / plus qu’à mon tour j’ai rempli / ma bouche de faux serments / et mes valises de larmes. (Karel Logist)

Les suivants, écrits en néerlandais, dont voici la traduction française :

Je te fais confiance avec la douceur / D’une femme, je nais / Quand tu prends forme / Sur ma poitrine et je séduis / La pierre la plus dure quand je me démène / Avec mon cœur qui menace / D’éclater d’attachement. (Frank Pollet)

Le grand silence des étoiles et les cygnes de l’univers / blancs de glace. / Que traces et pierres, qui s’ouvrent en nous / deviennent chant. / Que nous, ouverts en elles, devenions chant. / Que chaque signe de nous-mêmes éclate dans le / grésillement neigeux / de l’infini, et s’élargisse  jusqu’à son visage. (Claude van den Berge)

Francine Ghysen

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