Sarah BERTI, La vie al dente. Une enquête de Tiziana Dallavera, Avin, Luce Wilquin, 2015, 20 €
Après le meurtre d’un adolescent (Le jour du tiramisu, 2013), la découverte d’un squelette dans un congélateur flottant sur la boue (Cappuccino blues, 2014), le village de Rebecq est à nouveau secouée par la violence des hommes – à moins que ce ne soit celle des femmes. Au cœur de l’hiver glacé, tour à tour, sont trouvés refroidis : Armand Léonard, le médecin généraliste vieilli prématurément ; Philippe Charentais, le pharmacien qui aimait son officine plus que sa propre famille ; Daan Roelof, un autre apothicaire, flamand celui-là. Des meurtres qui, de loin, ressemblent à des suicides mais qui, de près, ne laissent aucun doute sur leur origine assassine.
Qu’ont en commun ces cadavres, outre d’appartenir au corps médical ? Si nous étions dans une série télévisée, des Experts ou l’Unité spéciale débarqueraient et résoudraient l’énigme avec du matériel technologique de pointe. Mais nous sommes dans une commune du Brabant wallon, alors c’est à l’Antenne de Police et à ses méthodes dignes d’un bon vieux Maigret qu’échoit l’enquête. Si certains de ses membres s’enthousiasment d’échapper aux tâches quotidiennes, d’autres, à l’inverse, bougonnent de la routine rompue. Ceux-ci compensent par la nourriture, ceux-là aussi, d’ailleurs ; les uns s’envoient de la junk food au bureau ou à la maison, les autres du stoemp ou de la cuisine italienne familiale. Dis-moi ce que tu manges, comment tu (le) manges et avec qui, et je te dirai qui tu es, semble être un des sous-textes du roman. L’enquête, quant à elle, s’avère moins riche que la nourriture avalée. Sans sophistication ni rebondissements, elle ne semble que peu intéresser Sarah Berti, davantage investie dans la psychologie de ses personnages, leurs histoires, leurs fêlures, leur solitude ainsi que dans l’analyse des liens de haine et d’amour qui les unissent. Ses fidèles lectrices et lecteurs retrouveront l’Antenne de Police presqu’au complet : l’inspecteur Chevalier pour qui seuls les faits et les indices comptent, le commissaire Desquières prêt « à quelques arrangements avec l’intégrité policière » pour l’avancée de l’enquête, Jacqueline Grevêche en rogne contre tout et tous ; et un petit nouveau, August Heralsteen, geek informatique. Et encore et aussi et surtout Tiziana Dallavera, l’héroïne de la série, entourée de sa famille attachante, exubérante. C’est elle l’énergie positive du livre, elle qui, avec son clan, résout l’énigme et parfume le texte de son italianité. Le plaisir que ressent Sarah Berti à l’inventer de roman en roman est si perceptible, prégnant que l’on sait déjà qu’un nouvel épisode est sur le feu…
Michel Zumkir
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