Pierre KUTZNER, La femme qui ne voulait plus faire l’amour, Marcinelle, Éditions du CEP, 2015, 93 p., 12 €
Pierre Kutzner n’est pas vraiment inconnu dans le petit monde des Lettres et des arts belges : on lui doit des nouvelles, des articles et une récente monographie consacrée à l’artiste Fabienne Havaux[1]. Le sexagénaire signe, en cet été 2015, son tout premier ouvrage de fiction – un recueil de nouvelles : La femme qui ne voulait plus faire l’amour.
Le (notable) titre de cet ensemble de sept récits est aussi celui de son texte inaugural. On craint un instant que le livre n’évite pas l’écueil sur lequel viennent se briser maints nouvellistes qui, après une première nouvelle remarquable, enfilent ensuite des textes quelconques, destinés surtout à atteindre le nombre de signes requis pour faire un livre. Qu’on se rassure : l’ouvrage de Kutzner n’est pas de ceux-là. Il impressionne au contraire par son homogénéité et la cohérence thématique et stylistique des brefs récits qui le composent.
Au cœur de ces nouvelles teintées d’un érotisme discret, nonobstant le titre de l’ensemble : des passions amoureuses qui s’éteignent, des couples au bord de la rupture, des parents qui font ce qu’ils peuvent et des souvenirs nombreux, évocations d’un passé où tout était plus simple et plus beau. Le recueil est en effet tout entier traversé par le constat douloureux du passage du temps. Une tonalité mélancolique que résumerait exemplairement une phrase, tirée de la nouvelle « Le petit garçon triste » :
Je regardai le Gengko Biloba, le plus vieil arbre du monde, que j’avais planté quand nous nous aimions – le croyais-je vraiment ? – et je pensai au temps qui passait ; je pensais à ce qui subsiste peut-être, aux rêves éphémères, aux espoirs si souvent déçus.
Transparaît ici toute la maîtrise stylistique de l’auteur, qui excelle à suggérer les incertitudes et doutes minant ses personnages – le recueil s’ouvre d’ailleurs, comme une mise en abyme, sur les interrogations du narrateur de « La femme qui ne voulait plus faire l’amour » :
Et pourtant, je voudrais dire… enfin, essayer de dire comment ça a commencé, même si ça n’a rien à voir avec le début, le vrai début. Celui qui m’échappe et que j’essaye de dire.
La jeune et pluridisciplinaire maison d’édition CEP (Créations – Europe – Perspectives) a accueilli La femme qui ne voulait plus faire l’amour dans sa collection « Signatures & Nouvelles ». Elle sied parfaitement à l’ouvrage de Kutzner.
[1] Ce qui survit, Marcinelle, Éditions du CEP, 2014.
♦ Écoutez Pierre Kutzner à propos de La femme qui ne voulait plus faire l’amour au micro d’Edmond Morrel sur espace-livres.be