lUVAN, Le chevalier rouge, illustré par Ambre, maelstrÖm, 2015, 125 p.
Lorsque l’on tient ce roman entre les mains, on est avant toute chose impressionné par la qualité de sa facture : grain et couleur du papier, choix des couleurs et illustrations soignées qui ponctuent l’ouvrage, tout fait de ce livre un bel objet. Les premières pages tournées, on est gagné rapidement par la conviction que l’on est face à une fiction imprévisible, aux rebondissements multiples et improbables.
Viggo, jeune trentenaire vaillant d’origine suédoise installé en Belgique, semble le jeu d’un scénario sans cesse renouvelé qui satisfait sa nature nomade. Il suffit d’une rencontre pour que son destin rebondisse à la faveur d’un défi à relever. D’ailleurs, il est prévenu par un contrôleur de train du doux nom de Zamombayé, qui saisit le cahier dans lequel Viggo se plaît à jeter des phrases : « Attention, vous êtes en train de devenir ce cahier ».
Le vieil homme resurgit régulièrement, parfois sous des traits différents, et lui délivre les contes de son Afrique natale, lui soufflant dans l’oreille les voies de la sagesse. Le ton est donné : les aventures de Viggo sont à la merci de ses rêves et de ceux des êtres qui l’entourent. Il y sera question souvent de cruauté et de duels, d’une jeune femme cultivant de rares orchidées et dont il partage un moment le logement, de combats de pitbulls, d’une jeune fille aux talents de sorcière prénommée Fatoumata qui a disparu au grand désespoir de son père. Elle a apprivoisé un monstre qui semait la terreur et a endormi sa vigilance pour permettre à ses frères de le tuer. Puis viendra sa rencontre avec le prince des dealers dont il volera les bottes de sept lieues qui achèvent de lui donner ses pleins pouvoirs de chevalier rouge. Avant une pause dans le village de L’Argentière où il rencontre un cordonnier et écoute l’histoire d’un meunier qui a pactisé avec le diable. Sans oublier la terrible histoire de ce groupe d’enfants engloutis par une grotte ogresse.
Tout l’imaginaire des contes de fées est ici convié, sorcières, ogres et animaux maléfiques compris, dans un ballet qui mêle les cultures occidentales et africaines. luvan a décidément l’écriture libre et enjouée. Elle se joue des conventions et jongle élégamment avec les sonorités, ajustant la forme au contenu onirique du récit, alternant les moments de réalisme avec ceux où l’on glisse ostensiblement dans le rêve et parsemant le tout d’une fine couche de réflexion philosophique qui donne au roman une tonalité quelquefois initiatique. Un premier roman sans concession, à l’imaginaire déployé, et qui révèle une plume colorée, prometteuse.
Thierry DETIENNE