Une journée dans la vie d’un grand-père à l’âge de la pierre polie

Daniel DE BRUYCKER, L’Orée, Avin, Luce Wilquin, 2015, 290 p.

Au Néolithique, les hommes, jusque-là chasseurs-cueilleurs, commencèrent à se sédentariser, domestiquèrent des animaux, se lancèrent dans l’agriculture et construisirent les premiers villages. C’est au cœur de cette période que nous emmène le dernier roman de Daniel De Bruycker, L’Orée, s’attachant à décrire ce basculement de civilisation de façon très vivante et dans une langue somptueuse.

Journaliste, auteur multimédia, poète et romancier, De Bruycker s’est déjà intéressé à la préhistoire dans un premier roman épuré, Silex, la tombe du chasseur, journal de fouille d’un jeune archéologue russe à la recherche d’une tombe du paléolithique (Actes Sud, 1999).

L’Orée détaille avec luxuriance et en accéléré (par rapport à la chronologie réelle) l’installation dans une vallée fertile d’un clan nomade. Le récit prend la forme d’une longue histoire qu’un grand-père conte à sa petite-fille au cours d’une promenade en forêt, qui s’étend sur tout le roman. Dans les premières pages, c’est à quelques petits détails que le lecteur comprend qu’on se trouve dans un passé très éloigné.

Cette promenade initiatique est aussi un voyage dans le temps. Chemin faisant, le grand-père évoque les derniers moments de la vie nomade dans l’immensité menaçante de la forêt primitive, le choc crucial de la découverte de l’orée de la forêt (ce qui deviendra le surnom du grand-père) et de l’espace ouvert de la clairière, avec sa lumière, son large ciel, son lac, ses rivières poissonneuses, ses légumes sauvages, tout ce qui concourt à ce que chacun découvre tout de suite que rien ne serait plus jamais comme avant.

Dans ce précipité d’histoire, innovations et inventions se succèdent à un rythme quasi quotidien : la domestication d’un troupeau de moutons, le polissage d’objets utilitaires, l’apparition de l’agriculture, la découverte de la construction en pierre, de la force hydraulique, l’invention de la roue à aube, etc. D’autres épisodes, comme le siège d’une meute de loups ou la guerre menée contre une tribu cannibale, les Hurleurs, sont plus sanglants.

Acteur de la transition entre deux mondes, le bûcheron L’Orée restera l’ami des arbres, sur lesquels il gravera poétiquement l’histoire des grandes figures de la tribu, à l’exception de la sienne… Inventant peut-être l’écriture ?

René BEGON