Au creux de l’absence la poésie

Alain DANTINNE, Précis d’incertitude, peintures d’Alain Dulac, Herbe qui tremble, 2016, 141 p., 17 €

dantinne« Au cœur de l’écriture / l’ombre de la main / Au cœur de l’ombre / une fêlure / Au cœur de la fêlure / l’absence / Au creux de l’absence / la poésie »

Dans une lumière tamisée s’ouvre ainsi le dernier recueil d’Alain Dantinne, Précis d’incertitude.

On y respire l’appel du large, l’air et le vent des grands espaces, la vibration des paysages contrastés qui animaient déjà, voici plus de trente ans, Je n’ai jamais été à Iquitos. « Ce qui nous est dit, écrivait Jean-Claude Pirotte dans son avant-propos, c’est l’ailleurs, et que cet ailleurs ne délivre pas de soi-même. » On y entendait l’écho d’un vœu, d’une promesse : « Je serai voyageur / Je bourlinguerai mes sentiments / De pays en pays / De rêves en rêves ».

Promesse tenue. Ce voyageur, dessinant aujourd’hui un Précis d’incertitude, nous entraîne du « poussier détrempé / d’anciens charbonnages » où le frappe soudain la flèche invisible d’un archer solitaire, sous l’invocation d’Achille Chavée, au désert d’Atacama (au nord du Chili), « terre de sel / éprise de ciels ». Des îles Lofoten, auxquelles rêvait Milosz, à la toundra « rude et froide / espaces blancs / arpents de neige » sur lesquels, comme l’eût fait Christian Dotremont, il trace un logogramme, « poème estompé / par les vents ». Ou encore au « pays des mille lacs » où ses pas le mènent, songeur, près d’un cimetière : « croix de fer croix de bois / je voudrais qu’on m’enterre / en cet endroit ».

Ici, « le torrent chantonne / sur une seule corde / son chant d’automne ». Là, « l’écolier /  sautille / à cloche-pied / dans la rigole / de la géométrie ».

Des noms, des présences secrètes accompagnent ce parcours vagabond où se mêlent, se confondent, rencontres, rêves, souvenirs. Philippe Jaccottet, Guillevic, Achille Chavée, Alain Bertrand, André Schmitz, Kenneth White… Le peintre Edvard Munch, dont les tableaux lui inspirent une suite de poèmes sombrement intenses. Georges Perec, aux mots éclairants : « Je cherche en même temps l’éternel et l’éphémère ».

Auteur de recueils d’aphorismes, tel l’ironique Petit catéchisme à l’usage des désenchantés, de carnets de voyages (Patagonia et caetera), du poignant récit Journal d’un incapable, sans oublier le « divertissement » Hygiène de l’intestin, allègre pastiche d’Amélie Nothomb, Alain Dantinne est le poète de l’errance, qu’il connaît intimement, jusqu’au déchirement. « Prendre le chemin / abrupt de l’exil / ce dedans lointain ».

Francine GHYSEN

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