Se faire une place au soleil…

Christine GUINARD, Elina SALMINEN, En surface, Éléments de langage, 2017, 64 p., 12 €, ISBN : 978-2-930710-12-9

guinardDepuis quelques années, l’éditeur belge Éléments de langage poursuit un intéressant travail éditorial dans le secteur poétique francophone. Se définissant lui-même comme « un comptoir éditorial indépendant spécialisé dans la littérature hors la loi du marché…», cet éditeur produit des ouvrages singuliers reconnaissables par leur format à l’italienne et la charte graphique singulière.

Le dernier opus du catalogue, En surface de Christine Guinard ne déroge pas à la règle puisqu’à côté des poèmes de l’artiste, on retrouve la peinture d’Elina Salminen. À moins que ce soit l’inverse ? À vrai dire, on ne sait guère qui illustre qui, tant la symbiose entre les deux arts est assez remarquable. Les illustrations occupent ainsi chaque page du livre, du colophon au poème, du poème au dépôt légal. Une présence très marquée donc, même si ces dessins pourraient, pour certains amateurs de texte brut, paraitre trop dominante. Et du texte, d’ailleurs, qu’en est-il ? Le sujet est presque celui d’un « tableau » : celui d’un enfant qui joue sur la place d’une ville. L’invité heureux ou malheureux du texte est le soleil, chaud, lourd presqu’écrasant : « ici sur les dalles de la place/ les marches de la maison des cloches/ j’aime le soleil sur les cailloux/ ce qu’on me dit/ il a trop chaud/ça m’est égal/ […] le soleil fait mal aux yeux /les lunettes pour le soleil/ le chapeau /sont pas là/ ils sont rentrés chez eux/ les habitants/ de la ville plombée ». De ce tableau, qui présente somme toute d’intéressantes filiations avec certains textes de la littérature francophone, d’autres thématiques naissent à foison. Citons aussi la question de l’apparence, de la lumière, mais aussi, étonnement, du langage. Le langage que découvre « le tout petit enfant », sur cette place abandonnée : « il a dit/ il a dit/ va donner/des ailes/pour voler » ; le langage du poète aussi, omniprésent, omnipotent.

En soi, malgré le peu de pages qui le compose, le recueil En surface est un texte très dense, tant au niveau du langage que de l’art graphique. S’il se lit vite, il invite inévitablement à une nouvelle lecture, puis à une troisième. C’est ici la preuve d’un travail de qualité.

Primaëlle Vertenoeil