Serge NUÑEZ TOLIN, La vie où vivre, Rougerie, 2017, 13 €, ISBN : 978-2856683941
Serge Nuñez Tolin poursuit depuis plusieurs années un intéressant travail poétique, personnel et atypique. Une poésie qu’il publie chez des éditeurs comme Le Cormier ou Rougerie, des éditeurs ayant en commun une même vision de l’art poétique et du livre-objet (qui se marque aussi – en clin d’œil – dans l’absence de rognages des cahiers). Deux ans après Fou dans ma hâte et cinq ans après l’excellent Nœud noué par personne, Serge Nuñez Tolin revient avec un recueil assez similaire aux autres, La vie où l’autre, toujours édité chez Rougerie.
Comme précédemment, sont ici regroupées davantage des proses de réflexion poétique que des poèmes à proprement parler. Le livre se lit ici comme une narration complète, d’un seul tenant. Sa thématique ? Une évocation de la vie et du temps qui passe. Si le thème est assez couru, son expression est tout à fait originale : « La vie qu’il nous faut rendre à chaque instant. / Le présent est un texte que personne n’écrit, que nous lisons tous. Ouvrir de part en part le réduit perpétuel de celui que l’on est / De quel poids me pèse le je que je suis ! / Cet incessant rassemblement de soi derrière les yeux et la voix. »
Tout l’intérêt de ce recueil – et des précédents finalement – réside dans l’alternance poétique entre l’abstrait et le concret du texte. Chaque page, chaque vers contient une dimension presque philosophique, contrebalancée par un élément très matériel : « Je me lave. Corps sous la main, lieu des mots. / Je passe le savon sous l’eau : entre mes doigts/ le silence fait place au temps. » Aussi les recueils de Serge Nuñez Tolin ne sont-ils certainement pas les plus explicites de la littérature francophone ; leurs lectures demandent du temps et quelque connaissance poétique. Cependant, le poète ne craint pas de renouveler la poésie d’aujourd’hui et de poursuivre une veine poético-philosophique qu’un François Jacqmin, par exemple, exploitait, jadis. On a connu pire comme filiation poétique.
Primaëlle Vertenoeil