Mireille BAILLY, Le départ, Lansman, 2017, 50 p., 11€, ISBN : 978-2-8071-0145-6
Le Fils, 35 ans, est sur le départ et l’annonce de but en blanc à ses parents pendant le repas du soir. Il est 19h précises et ils regardent bien tranquillement la télévision. Dans le costume de son père, la valise à la main, le Fils a décidé de partir loin. Très loin. Ses parents ont-ils bien entendu ? Eux qui cinq minutes plus tôt se disputaient sur la potentielle nouvelle couleur de leur salon. Faut-il d’ailleurs vraiment le repeindre ce salon ? L’incompréhension des premières minutes laisse rapidement place à la colère. Le Fils veut partir ? Lui qui ne sait pas s’habiller tout seul. Un assisté, pourrait-on dire. La Mère, pourtant si maternelle et affectueuse, se transforme en monstre crachant des mots vulgaires et odieux. Le déni suit quand le Fils annonce qu’il part retrouver celui, et non celle, qu’il aime. Ce coup – de poignard ou de feu, c’est au choix – leur sera fatal. Le cœur de la Mère saigne de voir partir la prunelle de ses yeux. La soirée avance. Des mondes continuent de s’affronter. Arrivent ensuite Monsieur, une mitraille à la main, Madame et le Fils de 33 ans de Monsieur et Madame, qui lui aussi aime les hommes. N’est-il pas temps de laisser partir son petit chouchou ? Et si cet amour était bien réel ? Et s’il ne fallait pas toujours « tuer le père » pour avancer ? Et si rien ne changeait finalement ?
Mireille Bailly n’est pas à son premier essai littéraire et signe ici sa cinquième pièce. Sans chichis ni fioritures, elle nous raconte une histoire simple mais intelligente, qui rassemble des thématiques criantes d’actualité : les rapports familiaux, l’autorité patriarcale, les différences sociales, l’homosexualité et le tabou qu’elle peut engendrer, l’envie de s’évader, la peur de l’autre et de l’ailleurs… L’auteure ne craint pas d’utiliser l’humour et flirte entre réalisme et surréalisme. Elle plonge même en plein théâtre de l’absurde, quasi ionescien. Mireille Bailly utilise quelques belles métaphores pour renforcer son propos, au regard de grands artistes comme Pina Bausch et Tadeusz Kantor. Le texte a reçu récemment, en France, le prix de l’InédiThéâtre, ce qui lui vaut cette publication chez Lansman.
Émilie Gäbele