Ariane LE FORT, Beau-fils, postface de Michel Zumkir, Les Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2017 (rééd.), 167 p., 8,50 €, ISBN : 9782875681478
Primé plusieurs fois en 2003, par le Rossel notamment, Beau-fils d’Ariane Le Fort mérite on ne peut mieux une réédition en Espace Nord, cette fois accompagnée d’une postface de Michel Zumkir. On est certes déjà tombé sous le charme des fictions de l’auteure sans qu’il soit nécessaire de se référer à un guide. Elle a cette habitude rare, somme toute, de livrer des histoires simples à démêler, voire à dévorer telles quelles. Mais elle les assortit toujours d’une réserve, d’un quant-à-soi qui demande qu’on s’y attarde ou qu’on y revienne. D’où l’utilité de commentaires comme cette postface qui va attirer notre attention et débusquer l’arrière-fable d’une apparente simplicité. S’y révèle le double jeu de l’écriture de Beau-Fils, ce roman qui se lit sans résistance, avec plaisir et qui tient le lecteur dans un certain suspense qu’il ne dissipera pas. Il ne se termine pas à vrai dire si ce n’est sur un doute majeur, une interrogation, sorte d’adresse à un témoin impersonnel :
S’il existe sur terre quoi que ce soit de plus exquis, de plus voluptueux qu’une barrière qu’on franchit, qu’on me le dise, c’est l’instant ou jamais.
On n’en saura pas plus. Cette dernière phrase ne peut qu’inciter le lecteur à repartir dans une quête que Zumkir qualifie de vertigineuse. D’une pseudo-réalité, on aperçoit alors le double-fond.
L’héroïne Lili éprouve une étrange attirance pour Matthias, son beau-fils. Plus exactement son presque beau-fils, le fils de l’amant qu’elle quitte. C’est la montée et la précision progressive de cette attraction que nous suivons pas à pas. Mais ce serait réducteur de s’en tenir à cet argument premier. Ce désir qui va grandissant est évoqué avec une extrême délicatesse et s’accompagne d’autres réactions et de questions sous-jacentes. Si elle regarde Matthias d’un œil nouveau, c’est une série de phénomènes qui l’interpellent. Tout son environnement se teinte d’une certaine suspicion. Elle-même devient un objet de curiosité à ses propres yeux. Son intimité transparaît sous l’aspect de signifiants variables. Et le lecteur n’échappe pas à ces interrogations diffuses. Il en résulte en lui un certain bouleversement, tout en douceur, sans doute, mais qui se prolongera après un finale ambigu. Une jouissance rare.
Jeannine Paque