Véronique JANZYK, J’ai senti battre notre cœur, ONLiT, 2017, 12 €/ ePub : 5.99 €, 112 p., ISBN : 978-2-87560-090-5
Au centre du nouveau roman de Véronique Janzyk (Le vampire de Clichy, Les fées penchées), se niche une narratrice aux aguets des rythmes et des gestes singuliers d’un « tu » à qui elle adresse ses observations attentionnées, ses craintes d’effilochage face à leurs pas-de-deux qui tanguent entre synchronie et dissonance. « Tu », c’est cet homme rencontré sous un ciel en trompe-l’œil, à une exposition où il avait failli égarer son chapeau sur un mange-debout. Un esquif volontiers solitaire qui cheminait ce soir-là à contresens. « Tu » est aussi un auteur pour qui seuls comptent la marche, l’écriture et l’amour et qui s’adonne à ces trois passions avec principes, discipline et ténacité. Un être aux mécanismes complexes pour qui le temps est une obsession. Comment apprivoiser cet autre – si dessiné par ses habitudes qu’il est chamboulé, dégoûté par l’arrivée d’une chienne – mais conserver sa propre cadence, éviter de se diluer dans la relation ? Comment retrouver maillage commun ? Reste le liant des corps plus à l’unisson à l’horizontale que lors des promenades et celui de la littérature, territoire davantage accueillant pour l’être aimé que le monde du dehors, qu’il faut fendre sans prendre de pause, traverser à une cadence établie. Celle qui nous donne à lire ce « tu » a les mots pour nous faire glisser dans l’empathie : « Tu allais confiant. De cette confiance sont nés des bleus. Tu écris le temps qu’ils s’effacent. Les bleus d’enfance ne s’effacent pas. Il y a assez d’encre dedans pour écrire toute une vie. »
On s’introduit tout d’abord sur la pointe des pieds dans cette intimité à deux personnages mais un seul point de vue – sur le principe davantage que sur la langue, on songe parfois à L’Absence d’oiseaux d’eau d’Emmanuelle Pagan, récit épistolaire amoureux amputé d’un de ses narrateurs – comme pour ne pas en déranger l’agencement en petites alcôves. Conviés tantôt à quelque souffle, tantôt à de petits déraillements de routine et nouveaux ajustements, on se laisse pourtant bien envelopper par l’approche de l’auteure, entre impressionnisme et ligne claire, sensibilité et acuité bienveillante : nous voilà nous aussi mus par quelque envie de traversée avec Véronique Janzyk comme gracile et harmonieux sherpa de pages.
Anne-Lise Remacle