Armel JOB, Une drôle de fille, Robert Laffont, 2019, 288 p., 19,50€ / ePub : 12,99€, ISBN : 978-2221239872
Armel Job emmène le lecteur dans le monde de son nouveau roman. Cette histoire de famille, terrible, dans une tension qui augmente jusqu’à la toute fin du livre avec la chiquenaude finale, vous tiendra assurément en haleine.
L’auteur continue d’ausculter l’âme humaine – avec une préférence pour les zones d’ombre et les nuances de gris, d’explorer les eaux profondes sous la surface des convenances et des bons sentiments, de sonder le microcosme des familles et des petites villes.
« Encore » soupireront ceux qui peuvent trouver que « c’est toujours la même chose ». « Encore, encore ! » se réjouiront ceux qui suivent l’œuvre d’Armel Job et attendent le dernier roman avec impatience ! À chacun suivant son goût…
Nous sommes en septembre 1958, en Famenne. C’est l’année de l’Exposition universelle mais Bruxelles est loin, quoique… La deuxième guerre mondiale semble loin, elle aussi, et pourtant …
Chez les Borj, boulangers à Marmort depuis deux générations – est-ce suffisant pour « être d’ici » ? –, il y a Rodolphe, dénoncé à la Gestapo et jamais revenu des camps, il y a Ruben, le père, sa femme Gilda, leurs enfants Astrid et Rémi, et bientôt aussi Josée, qu’une représentante de l’œuvre Nationale des orphelins de guerre vient placer en apprentissage au magasin. Pas tout à fait par hasard, en fait.
Tout commence par un avertissement de l’auteur, – oui, ce qui se passe maintenant à la page 11 va détruire la vie de toute une famille – qui, curieusement, ne nuit pas au suspense. Oui, on sent que ça va mal tourner, mais quand ? et pour qui ? et comment ? La tension est et reste complète et la mention de « thriller psychologique » figurant en quatrième de couverture n’est absolument pas usurpée.
Une belle petit famille, une affaire qui marche bien, un courageux boulanger : c’est presque trop beau pour être vrai, et d’ailleurs, ça ne va pas durer. L’auteur distille les indices, sème le doute, fait valoir les points de vue des uns et des autres. Qui a dénoncé Rodolphe, au fait ? Plus d’un protagoniste a une idée sur la question. Qui place des petits cadeaux dans la mansarde de Josée ? Et Ruben, avec son allure de primate ?
Amour maternel (bien ou mal placé), frustration et jalousie, rumeurs et ragots, faiblesse et lâcheté, tout va concourir à ce que la situation dégénère peu à peu. Chaque personnage est complexe – humain donc – tour à tour de bonne volonté ou veule, gentil, salauds, … et certaines colères et méchancetés sont le fruit de leur souffrance.
Finalement, cette histoire de bouc émissaire, d’ange qui fait la bête, de la faute des pères qui retombe sur leurs enfants… est très biblique, même si la messe de Noël et l’assemblée des fidèles qui y participe sont gaillardement brocardées et rhabillées pour l’hiver.
C’est un livre d’Armel Job, donc toujours aussi bien écrit, aussi bien manigancé, aussi efficace et, au passage, vous aurez appris que le saxophone appartient à la famille orchestrale des bois, puisqu’il a une anche. Vous aurez aussi appris que la musique n’adoucit pas toujours les mœurs.
Et à propos de musique, un bémol peut-être pour quelques passages sentencieux et moralisateurs dont le lecteur peut sans doute se passer ; pas besoin d’une définition de la rumeur quand on la voit à l’œuvre dans l’intrigue.
Marguerite Roman