Bruno BREL, La bête du Tuitenberg, Lamiroy, 2019, 174 p., 20 €, ISBN : 978-2-87595-238-7
Aux portes de Bruxelles, un matin d’octobre 1567, est retrouvé le cadavre d’un noble espagnol, la tête totalement broyée. Le plat pays qui est le nôtre est à cette époque sous domination espagnole. Quelques jours plus tard, à l’Hôtel de Ville de Bruxelles, on fête en grande pompe l’arrivée du nouveau gouverneur des Pays-Bas espagnols : le duc d’Albe. Ce dernier tient à tirer au clair cette terrible affaire de meurtre. On raconte que ce serait un coup des gueux qui préparent une rébellion dans le Pajottenland. Le baron Van Kiekebich, qui habite le manoir de Tuitenberg dans la commune de Schepdael, est présent à l’Hôtel de ville, mais n’est pas d’humeur festive. Il ne voit pas d’un très bon œil l’envahisseur espagnol. Suite à une discussion avec le bourgmestre de Bruxelles, il décide de se faire peindre le portrait afin de rester dans la postérité.
De retour dans son manoir, il envoie son fidèle Allonsius, son homme de main qui est totalement difforme, chercher un peintre dans une auberge de la Porte de Hal, le rendez-vous des artistes de l’époque. Il y trouve un peintre d’origine modeste mais réputé pour ses paysages et ses peintures qui rendent hommage au peuple : Pieter Breughel. Le peintre accepte le travail, qui est grassement payé, et se rend au manoir de Tuitenberg. Les lieux, connus pour leur brouillard et leurs légendes mystérieuses, lui semblent étranges et familiers. Ils lui évoquent un rêve qu’il fait souvent et dans lequel deux yeux jaunes l’observent. En faisant connaissance avec le personnel de Van Kiekebich et les paysans qui travaillent sur son domaine, Pieter se rend compte que tous respectent particulièrement le baron. Il n’y a aucune notion de domination, de servitude, chacun profitant des richesses que lui procure son lopin de terre. Van Kiekebich a fait fortune grâce à une fabrique de chandelles et ses employés y sont rémunérés. Au fil des longues heures de pose, le peintre et le baron apprennent à se connaître.
Mais Pieter n’est-il pas trop indiscret ? Ne va-t-il pas trop loin lorsqu’il interroge les gens du domaine, notamment le bourgmestre de Schepdael qui lui avoue avoir forgé de nombreuses armes pour le baron ? Sa curiosité l’emmène à explorer chaque recoin du manoir. Pourquoi une pièce renferme-t-elle des armes de guerre ? Contre quel envahisseur se prépare-t-il ? Que contient la salle qui est lourdement barricadée ? Et qu’est-ce qui l’a regardé de ses deux yeux brillants une nuit que Pieter, rentré trop tard, a dû rester hors des grilles du château ? Son rêve devient-il réalité ? Les meurtres de hauts dignitaires espagnols continuent à sévir, toujours avec la même barbarie. Mais la répression se prépare et des milices espagnoles, les Tuniques écarlates, sont en chemin. La fin pourrait bien être sanglante…
Bruno Brel qui, comme son oncle Jacques, s’est fait connaître par la chanson, écrit depuis près de trente ans et se plait souvent à embarquer le lecteur sur les chemins de l’Histoire. Cette totale fiction, à l’intrigue captivante, entremêle des personnages historiques, tels que le duc d’Albe et le célèbre peintre Pieter Breughel, dit « Breughel l’Ancien », et des personnages totalement fictionnels. Richement documenté pour les lieux, les us et coutumes, La bête du Tuitenberg convoque le Pajottenland, cette région flamande, agricole et vallonnée, au sud-ouest de Bruxelles, délimitée par la Senne et la Dendre, où le lambic et la gueuze coulent à flots depuis plusieurs siècles.
L’auteur rend hommage à cette contrée à travers un roman qui sillonne entre Histoire, légendes, anecdotes et patrimoine. Avec des traits précis et chaleureux, on retrouve cette campagne brabançonne que Breughel a chérie et peinte à de nombreuses reprises. Toujours aux éditions Lamiroy, le roman se double d’une version en bruxellois français, sous la plume de Joske Maelbeek, La biest du Tuitenberg.
Émilie Gäbele