Michel LAMBERT, Cinq jours de bonté, Le beau jardin, 2023, 252 p., 20 € / ePub : 9,99 €, ISBN : 9782359700749
Thomas Noble, le narrateur, emmène sa femme Raya à Ostende. Une permission de cinq jours lui est accordée. Hospitalisée dans une clinique spécialisée, c’est sa première sortie depuis longtemps. Thomas est nerveux. Il a peur de ses réactions. Du couloir de la mort où elle végète, il espère la conduire dans le couloir de la vie. Beaucoup de non-dits s’interposent. On sent un passé pesant, une fracture. Tous les deux sont enfermés dans des prisons différentes et ont banni depuis belle lurette de nombreux mots de leur vocabulaire, tels que chance, « espoir, demain, bonheur, chanter, rire… ». Thomas fait le clown pour détendre l’atmosphère, mais il est maladroit. Continuer la lecture →
Denis DE RUDDER, Brève histoire de l’art en sonnets, Lettre volée, 2022, 192 p., 20 €, ISBN : 9782873176068
Artiste peintre, Denis De Rudder délivre dans sa première publication des tableaux textuels qui, empruntant la forme du sonnet, retracent les jalons de l’histoire de l’art occidental de la Grèce antique à nos jours. Ponctué de reproductions d’œuvres, le voyage se tient à la croisée de diverses matières abordées sous un faisceau de manières. Déroulant un fil chronologique qui produit un effet de diapositives, Brève histoire de l’art en sonnets choisit de convoquer des noms d’artistes davantage que des courants, des mouvements, des tendances. S’ouvrant sur le fameux duel entre les peintres grecs Zeuxis et Parrhasios, le recueil aborde les mutations du regard, la question de l’imitation du réel, de la mimèsis, les bougés dans l’expérience perceptive, les contextes socio-historiques, économiques, géographiques de la production d’images. Sous-tendu par l’érudition, porté par un parti-pris résolument subjectif, l’ouvrage dresse en creux les moments, les tournants, les aventures, les motifs, la grammaire des formes qui scandent l’histoire des arts plastiques. Continuer la lecture →
Stéphane LAMBERT, Van Gogh. L’éternel sous l’éphémère, Arléa, coll. « La rencontre », 2023, 120 p., 17 €, ISBN : 9782363083241
Après L’apocalypse heureuse, une fiction couronnée par le Prix Rossel 2022, après ses derniers essais Paul Klee jusqu’au fond de l’avenir et Être moi, toujours plus fort. Les paysages intérieurs de Léon Spilliaert, Stéphane Lambert nous offre un éblouissant pèlerinage, aussi intime qu’inspiré, dans l’œuvre de Vincent Van Gogh. Rares sont les livres qui sont touchés par la grâce. Grâce d’une rencontre, d’une plongée sensorielle dans une vie picturale dont l’auteur retrace la genèse du dedans, avec une vue qui s’apparente à celle d’un plasticien. Au plus près de la matière Van Gogh, au fil d’un texte vagabond, habité et érudit qui peut se lire comme une longue lettre adressée au créateur des Mangeurs de pommes de terre, des Tournesols,Van Gogh. L’éternel sous l’éphémère retrace le chemin de croix, l’itinérance d’un homme pérégrinant d’Amsterdam à Paris, d’Arles à Saint-Rémy et à Auvers-sur-Oise. Continuer la lecture →
Christine VAN ACKER, Émile Claus. Le vieux Jardinier, Invenit, coll. « Ekphrasis », 2022, 54 p., 14 €, ISBN : 9782376800927
Dans la très belle collection « Ekphrasis » des Éditions Invenit, basée sur le principe du dialogue entre un écrivain et une œuvre muséale, Christine Van Acker décline un texte floral-cosmique, d’une écopoésie subtile, consacré au tableau Le vieux jardinier du peintre Émile Claus. C’est à partir du rayonnement d’Hélios qu’elle approche cette œuvre exposée à La Boverie à Liège et qu’elle déroule un texte-tournesol autour d’un artiste qui fut une des figures marquantes du luminisme. La confrontation relève de multiples registres : du registre existentiel dès lors que l’éclat héliaque du Vieux jardinier « sauve des vies », sauve « quelques mois » de celle de l’autrice au creux de l’hiver du confinement, registre du récit biographique, des échos de l’enfance, registre de l’esthétique et des effets qu’il produit, registre d’une sensibilité et d’un engagement écologiques. Dans ce portrait d’un portrait, Christine Van Acker tisse des fils de soie, d’or, de mousse entre le corps-monde du personnage peint par Émile Claus et le corps-terre de son grand-père, déplie la carte du Temps et de ses ravages écologiques, remonte de la fin du 19e siècle à notre présent dévasté. Le mouvement s’enfonce dans l’esprit et la matière du tableau autant que dans les rêves qui prolongent la géographie de sa composition. Continuer la lecture →
Pierre-Yves SOUCY et Olivier SCHEFER, Vertiges de la main, Lettre volée, 2022, 80 p., 18 €, ISBN : 9782873175641
« Que fait un poète lorsqu’il dessine ? ». Par sa question inaugurale, Olivier Schefer interroge avec brio les créations graphiques de Pierre-Yves Soucy en les confrontant aux créations poétiques. Dans les dessins au fusain, dans le dynamisme des traits, les frottages, les précipités de strates, notre œil perçoit une poétique des traces, des empreintes et des échos. En poésie et dans les arts plastiques, graphiques, Pierre-Yves Soucy se livre à une exploration des interstices. Creusant, laissant affleurer les signes, les formes, à tout le moins leur ébauche, il travaille sur l’inchoatif et l’estompement, dans le respect des matières (matière des mots, matière du visible, des traits) qu’il approche, que la main et que l’œil écoutent. Continuer la lecture →
Fabien GROLLEAU, ABDELDE BRUXELLES, Tanger sous la pluie, Dargaud, 2022, 122 p., 21 € / ePub : 13,99 €, ISBN : 9782205079715
Dans Tanger sous la pluie, le scénariste Fabien Grolleau et le dessinateur Abdel de Bruxelles se glissent dans un pan de la vie d’Henri Matisse, dans la séquence marocaine des années 1912 et 1913 au cours desquelles il fit deux séjours à Tanger. Faisant fond sur des données biographiques, des faits consignés, la fiction prend le relais, emprunte les routes du rêve et lance sa toile imaginaire. Traversant une crise esthétique, affecté par la mort de son père, Henri Matisse et sa femme embarquent pour Tanger fin 1912. À la recherche de la fabuleuse lumière marocaine, il entend se ressourcer, quitter les coteries parisiennes, marcher dans les pas de Delacroix. La nuit de son arrivée, la pluie s’abat sur Tanger et ne relâchera pas sa pression durant quinze jours. Son rêve de peindre dans la nature, de s’enivrer de lumière s’effondre. Les caprices du climat aggravent l’impasse créatrice qu’il traverse. Les souks, les paysages, les parfums, les couleurs se dérobant à lui, il demande qu’on lui amène un modèle. Continuer la lecture →
Stéphane LAMBERT, Paul Klee jusqu’au fond de l’avenir, Arléa, coll. « La rencontre », 2021, 120 p., 18 €, ISBN : 978-2363082732
On peint pour habiter l’acte de peindre, pour aller plus loin que la peinture. On peint pour trouver l’harmonie au milieu du champ de bataille. On cherche une logique au chaos.
Christine DELMOTTE-WEBER, Ceci n’est pas un rêve, Oiseaux de nuit, coll. « Rideaux rouges », 2020, 122 p., 10 €, ISBN : 978-2-931101-23-0
Alice, photoreporter de guerre, a besoin de s’éloigner du rythme intense de sa vie professionnelle. Après avoir découvert un échange de lettres entre les deux artistes peintres surréalistes, Leonora Carrington et Leonor Fini, elle se rend à Saint-Martin-d’Ardèche sur leurs traces. Depuis qu’elle est arrivée dans ce village, Alice rêve énormément. C’est comme si ses songes se matérialisaient, comme si des univers parallèles se manifestaient. Elle s’immisce dans la vie des deux peintres et assiste aux épisodes de 1939, lorsque Leonora, en couple avec Max Ernst, accueille Leonor et son ami Federico fuyant la capitale et la fureur nazie. Suite à un appel de sa rédactrice en chef, Alice accepte de conjuguer son repos avec un reportage sur les deux artistes. Peu à peu, le présent d’Alice se mélange au passé des deux femmes. Elle assiste à leurs conversations sans être vue. Mais parfois, un bruit, un élément témoigne de sa présence. Alice marche dans leurs pas. Elle produit des photos étranges, d’une autre texture, qui s’inspirent de la dimension poétique des deux artistes. Elle a l’impression de pouvoir enfin vraiment s’exprimer, même si sa rédactrice en chef n’est pas du même avis. Continuer la lecture →
Sémir BADIR, Magritte et les philosophes, Impressions nouvelles, 2021, 172 p., 16 € / ePub : 8.99 €, ISBN : 9782874498749
Voici, à propos de l’œuvre déjà largement étudiée de Magritte, un livre aussi original qu’informé, la conjonction des deux n’allant pas de soi. Son originalité tient à ce qu’il mène à bien l’analyse et l’interprétation, issues d’une enquête complète, de la « pensée en images » du peintre. L’information tient à ce qu’il s’appuie non seulement sur l’ensemble des tableaux de Magritte, mais tout autant de ses écrits et de ses lettres. Il montre de surcroît une connaissance des principaux commentaires déjà publiés[1]. Et il témoigne enfin d’un large savoir philosophique et sémiologique. Continuer la lecture →
Yves VASSEUR, Vincent van Gogh. Questions d’identité, Fonds Mercator, 2020, 160 p., 29.95 €, ISBN : 978-94-6230-263-1
D’une présentation luxueuse – format généreux, papier de qualité, mise en page soignée, iconographie impeccable –, le livre d’Yves Vasseur est difficilement classable. Ni biographie, ni essai au sens strict, proche du « journal de fouilles » des archéologues, il réunit les récits de quatre enquêtes distinctes dont le commun dénominateur est Vincent van Gogh. La première concerne un portrait photographique longtemps considéré comme celui du peintre à l’âge de treize ans : à la suite de longues et minutieuses recherches, l’auteur démontre qu’il s’agit en fait de Théo, le jeune frère de Vincent, révélation qui a déjà causé un vif émoi dans le landerneau. L’enquête suivante porte sur deux dessins signés VG et représentant de vieilles maisons à Cuesmes. Retrouvés dans un grenier en 1958, ils sont authentifiés peu après, ce que conteste de façon très argumentée Y. Vasseur, pour qui le dilemme reste entier. Troisième investigation, à propos du tableau Marguerite à l’harmonium qui aurait été abandonné par van Gogh après avoir été gâché accidentellement, puis réparé par Paul Gachet fils ; mais celui-ci s’est rétracté ultérieurement, non sans avoir peint lui-même la scène. La quatrième enquête s’attache à une photo de groupe en fête provenant d’une collection new-yorkaise, et au dos de laquelle est imprimée la mention VINCENT VAN GOGH. Malgré l’insistance du propriétaire, et après avoir tenté en vain d’établir la plausibilité de l’évènement, l’auteur conclut par un démenti – avant de jeter le doute sur le revolver rouillé avec lequel van Gogh se serait suicidé, et qui fut vendu chez Drouot pour 162.500 euros… Continuer la lecture →
Kate MILIE, Le mystère Spilliaert, 180° éditions, 2020, 154 p., 20 €, ISBN : 978-2-931008-33-1
Le titre pilote vers le policier, une page de garde annonce un roman, le texte échappe aux étiquettes et conjugue les registres : journal de bord de l’autrice autour d’un projet d’écriture, documents qui le fondent (lettres de protagonistes ou de témoins, liste de lieux à visiter), fragments d’une rêverie biographique à partir des points d’acmé d’une existence. Continuer la lecture →
Jacques RICHARD, Nues, ONLIT, coll. « ONLIT Mini », 2020, 80 p., 8 €, ISBN : 9782875601261
« Nues, en pied et grandeur nature. De face », les yeux plongés dans ceux de l’artiste. Toiles de mêmes dimensions, supports de qualité identique, toujours de la peinture à l’huile. Pas de décor. Et un « travail d’un réalisme précis, mince et sans effets ». Voilà comment Jacques Richard a peint plusieurs femmes entrant dans la jeunesse ou la quittant, trop maigres ou trop charnues, rétives ou généreuses, inconnues ou familières, maniérées ou naturelles. De son regard parfois gêné et intransigeant, Richard les a dévisagées, contemplées sans désir, observées (face à face ou sur papier glacé) avec « l’urgence patiente d’un ours pêchant au bord de la rivière » ; il a guetté leur apparition et a reconstitué cette impression tout en fugitivité et subjectivité pour qu’elles demeurent « quelqu’un ». Une démarche pleine qui s’inscrit dans la durée, le respect et la méthode. Continuer la lecture →
Il n’est pas rare que les écrivains touchent aussi à d’autres disciplines artistiques. Nous avons déjà évoqué sur ce blog des écrivains belges paroliers, cinéastes, ou encore traducteurs. Intéressons-nous à présent aux écrivains peintres.
Plasticiens qui écrivent occasionnellement ou écrivains qui s’adonnent parfois à la peinture, la liste de ceux qui pratiquent deux arts en Belgique est longue, et l’on y croise entre autres Rops, Dotremont ou Magritte.
On se limitera ici à six artistes, dont un livre au moins est paru ces cinq dernières années. Continuer la lecture →
Bruno BREL, La bête du Tuitenberg, Lamiroy, 2019, 174 p., 20 €, ISBN : 978-2-87595-238-7
Aux portes de Bruxelles, un matin d’octobre 1567, est retrouvé le cadavre d’un noble espagnol, la tête totalement broyée. Le plat pays qui est le nôtre est à cette époque sous domination espagnole. Quelques jours plus tard, à l’Hôtel de Ville de Bruxelles, on fête en grande pompe l’arrivée du nouveau gouverneur des Pays-Bas espagnols : le duc d’Albe. Ce dernier tient à tirer au clair cette terrible affaire de meurtre. On raconte que ce serait un coup des gueux qui préparent une rébellion dans le Pajottenland. Le baron Van Kiekebich, qui habite le manoir de Tuitenberg dans la commune de Schepdael, est présent à l’Hôtel de ville, mais n’est pas d’humeur festive. Il ne voit pas d’un très bon œil l’envahisseur espagnol. Suite à une discussion avec le bourgmestre de Bruxelles, il décide de se faire peindre le portrait afin de rester dans la postérité. Continuer la lecture →
Stéphane LAMBERT, Être moi, toujours plus fort. Les paysages intérieurs de Léon Spilliaert, Arléa, 2020, 128 p., 10 €, ISBN : 978-2-36308-223-7
Après Monet (L’adieu au paysage. Les nymphéasde Claude Monet, La Différence, Monet, impressions de l’étang, Arléa), Rothko (Mark Rothko, rêver de ne pas être, Arléa), Nicolas de Staël (Nicolas de Staël, le vertige et la foi, Arléa), Goya (Visions de Goya, l’éclat dans le désastre, Arléa, prix Malraux 2019), le dialogue que Stéphane Lambert noue avec la peinture se porte sur Léon Spilliaert. Proximité, sismographe de poète, affinités électives, démarche questionnante qui décloisonne l’œuvre et la vie et plonge à mains nues dans l’imaginaire des peintres : ce quatuor compose moins une méthode qu’un embrasement passionné. Dans Être moi, toujours plus fort. Les paysages intérieurs de Léon Spilliaert, Stéphane Lambert livre un récit à deux voix, celle du peintre Spilliaert, celle du narrateur-auteur.
Olivier & Quentin SMOLDERS, Démons et merveilles. Critique de la raison pure, CFC Editions, 2019, 192 p., 24 €, ISBN : 978-2-87572-051-1
À l’occasion de l’exposition Démons et merveilles qui se tient au Centre Wallonie-Bruxelles, paraît l’ouvrage éponyme publié par CFC Editions. Cette plongée dans les créations filmiques, graphiques, textuelles d’Olivier et Quentin Smolders dévoile la complicité qui relie les deux frères. Une complicité née dans l’enfance, qui se traduit par une fascination commune pour le marginal, le refoulé, l’insolite, l’inquiétante étrangeté. Continuer la lecture →