Redécouvrir François Truffaut

Bernard GHEUR, Les orphelins de François, Weyrich, coll. « Plumes du coq »,  2021, 304 p., 16 €, ISBN : 9782874896170

gheur les orphelins de françoisDans un livre sensible, touffu, entraînant, Bernard Gheur s’est attaché à éclairer un versant inattendu de François Truffaut. Les orphelins de François révèle un « éveilleur de romans », lecteur passionné, exigeant. « Sous le crayon de François – sa baguette magique -, les phrases gagnaient en légèreté, en limpidité, en poésie. La touche Truffaut. »

Bernard Gheur avait à peine vingt ans lorsqu’il envoya à François Truffaut, « le dieu de mes seize ans », une nouvelle de quatre pages, Le testament d’un cancre.

Merveille : le cinéaste lui répondait et l’invitait à développer son texte, à entreprendre un roman. Il précisait : « Vous en êtes capable ». Mieux qu’un encouragement, presque un engagement, qui exaltait l’auteur débutant.

Le testament d’un cancre, premier roman de Bernard Gheur, paraissait en 1970 chez Albin Michel, préfacé par François Truffaut.

Point de départ d’une amitié d’une rare intensité, jalonnée de lettres, imprégnées d’une profonde connivence. Pourtant, les deux correspondants ne se sont jamais rencontrés.

Bernard Gheur a seulement entrevu Truffaut au Festival de Cannes du mois de mai 1962, où il s’était rendu avec un ami cinéphile. « Deux collégiens venus de Liège, deux élèves de poésie, cinéastes amateurs […] deux fans de la Nouvelle Vague ».

Au long des années, il a suivi avec ferveur le parcours du cinéaste. Épinglant Tirez sur le pianiste, qu’il a vu le jour de ses seize ans. « C’était le film que j’attendais : un hymne à la timidité. […] Plus qu’un nouveau cinéaste, plein de talent, c’était un ami que nous découvrions. Un complice ». Saluant Les quatre cents coups, La peau douce, Jules et Jim, Baisers volé, L’homme qui aimait les femmes, Le dernier métro…

« Et puis il y eut le dimanche 21 octobre 1984 ».

Journaliste à La Meuse, Bernard Gheur recevait une dernière dépêche, qui lui brisait le cœur. Elle annonçait la mort de François Truffaut, à cinquante-deux ans, des suites d’un  cancer.

Connaissant son lien avec le cinéaste, le rédacteur en chef lui confiait le soin de rédiger, à côté de l’article principal biographique, un hors-texte personnel de cent lignes. Écrit dans la hâte et le chagrin, ce serait une ébauche des Orphelins de François.

Au fil des pages, l’auteur s’entretient avec des témoins privilégiés. Claude de Givray, ami intime. Madeleine Morgenstern, qui fut l’épouse de François Truffaut, et est restée très proche de lui jusqu’à la fin. Conversations éclairantes, émouvantes, qui nous font partager des moments clés, telle la présentation, superbement accueillie, des Quatre cents coups au Festival de Cannes, en 1959. « C’était magnifique ! Le film a été reçu  d’une façon extraordinaire ». « ‘J’étais aussi heureux qu’Athos d’un succès de D’Artagnan’, écrira Godard ».

Inoubliable Les quatre cents coups. Inoubliable Antoine Doinel, personnage inséparable du cinéaste. Inoubliable – et irremplaçable – François Truffaut, que Bernard Gheur garde présent, vibrant, fraternel, dans un livre qui nous accompagnera.

Francine Ghysen