Vivre, résolument

Un coup de cœur du Carnet

Aurélie William LEVAUX, Justice (pas le groupe), Cambourakis, 2021, 176 p., 18 €, ISBN : 978-2-36624-576-9

levaux justice pas le groupeCe qui était par contre clairement sous contrôle, c’était nous, et il allait falloir un certain temps pour que nous sortions de la torpeur et retrouvions une certaine énergie et foi en l’existence. 

On ne s’ennuie clairement pas en lisant Aurélie William Levaux. Dans la continuité de son dernier livre Bataille (pas l’auteur) paru en 2019 aux éditions Cambourakis, Aurélie William Levaux rempile avec Justice (pas le groupe) aux mêmes éditions. Nous y retrouvons le style très reconnaissable de l’autrice, par ailleurs dessinatrice et plasticienne : souvent de longues phrases entrecoupées de discours indirect libre, un pessimisme et une certaine sauvagerie, des chutes cash et ouvertes.

Que l’on ne s’y trompe pas, si dans la quatrième de couverture il est bel et bien question du Covid, Justice (pas le groupe) n’est pas un énième ennuyeux « journal de confinement » ni une énième « analyse » de la situation pandémique actuelle. Aurélie William Levaux aborde divers sujets dits d’actualité, évoque de nombreuses situations (sociales, intimes, professionnelles, politiques) sur un ton aussi vif que perplexe. L’ancrage spatio-temporel des anecdotes est celui du monde actuel, dominé par la pandémie, la psychose collective, les diverses luttes en cours et leurs questionnements afférents.

Mourir, il fallait bien mourir, mais pourquoi en étant des idiots pliés dans une caisse de béton, à fonctionner comme des consommateurs sans autre perspective que de consommer, puisque tout le reste avait été saccagé, ça me rendait vraiment honteuse. 

Le « sujet » du livre est très tôt annoncé : il est « celui du processus d’écriture et le thème de la fin entendu dans le sujet plutôt heureux de clôture d’histoire » et prend des dimensions protéiformes et parfois désorganisées, à l’image, est-il précisé dans la biographie d’Aurélie William Levaux, de sa manière de travailler. Pourtant, chaque texte s’inscrit pleinement dans une cohérence interne remarquable.

[…] Comme si on ne vivait pas sur une décharge à ciel ouvert, abrutis par les médias, rendus malades et soumis aux multinationales, laissant à l’agonie une bonne partie de la population et détruisant toute fougue et désir de changement. 

Rares sont les livres de cette teneur aussi affirmée, où il n’est pas véritablement question d’être « d’accord » ou « pas d’accord » (certaines pages pourront sans doute en défriser quelques-uns) : Justice (pas le groupe) propose un regard fort et pertinent sur ce qu’il se passe autour de nous. Un livre puissamment vivant.

Charline Lambert