« Au fil de l’eau »

Maylis DAUFRESNE (autrice) et Stéphanie AUGUSSEAU (illustratrice), Au fil de l’eau, Orso, coll. « Murmure », 2021, 36 p., 14,6 €, ISBN : 9791097284459

daufresne augusseau au fil de l eau« Zéphyr est grand et Éole est petite ». En plus d’être grand, Zéphyr est d’un blanc immaculé, possède de longues oreilles souples et ne se départit jamais d’un doux sourire. Et Éole, elle, est plus en rondeur, son pelage marron est recouvert de taches rose clair et un sourire identique se dessine sur son minois. Peut-être ce trait en commun scelle-t-il leur tendre amitié, ainsi que l’été, les étoiles et l’érable « qui éclabousse la clairière de rouge en automne » qu’ils aiment tous les deux. Mais il y a aussi toutes ces différences qui les rendent complémentaires et inséparables : l’un est posé et protecteur, l’autre est émotive et curieuse. En bref, ils s’adorent et ce, « […] depuis toujours, c’est-à-dire au moins six ans ».

Pour l’anniversaire de sa complice, Zéphyr décide de lui offrir « le plus beau cadeau du monde, et rien d’autre ». Venant d’une âme lumineuse, la surprise sera assurément merveilleuse. Et c’est le cas : Éole reçoit en cadeau la beauté de l’eau. De l’étendue marine « juste un peu plus foncée que le bleu du ciel et lisse comme de la soie, parsemée de diamants semés par le soleil » aux méandres du fleuve dans le nom duquel « elle entend le silence, le chuchotement des plantes aquatiques qui ondulent sous l’eau, le murmure du vent qui ébouriffe la surface », en passant par la rivière qui fredonne et le ruisseau qui l’alimente. La fêtée chemine d’émerveillement en éblouissement, en délicieuse compagnie. Pourtant une légère ombre plane : Éole prend conscience de sa petitesse et se demande quelle place elle occupe dans ce monde qui lui semble immense.

Au fil de l’eau recèle de multiples messages sensibles, à ressentir à travers la promenade initiatique d’Éole : l’acceptation de l’autre dans ses dissemblances, le besoin de confiance mutuelle et de bienveillance, la nécessité de la confrontation à l’inconnu, la grandeur inégalable de l’immatérialité, la douceur des sensations, l’accueil des questionnements philosophiques en suspens, l’importance de la connexion à la richesse organique de la Terre. Avec des mots chargés en couleur et en émotions, Maylis Daufresne effleure délicatement ces divers aspects de la vie d’Éole, de Zéphyr et d’Alizé, et de tout un chacun. Les illustrations de Stéphanie Augusseau, quant à elles, utilisent la même palette et forment un écrin poétique et rassurant à l’avancée des amis : la nature, se déployant en teintes passées et translucides, est omniprésente, aspire le regard à chaque page par sa force paisible et sa diversité étonnante : végétaux, animaux, éléments, tout est en harmonie et les réponses aux questions les plus complexes y apparaissent aussi simplement que les étoiles dans la sérénité d’un ciel dégagé…

Samia Hammami