Stéphane LAMBERT, Paul Klee jusqu’au fond de l’avenir, Arléa, coll. « La rencontre », 2021, 120 p., 18 €, ISBN : 978-2363082732
On peint pour habiter l’acte de peindre, pour aller plus loin que la peinture. On peint pour trouver l’harmonie au milieu du champ de bataille. On cherche une logique au chaos.
Après, entre autres, son ouvrage Être moi toujours plus fort. Les paysages intérieurs de Léon Spilliaert (paru aux éditions Arléa), Stéphane Lambert poursuit son travail d’articulation du visible au dicible, cette fois dans les traces de Paul Klee. L’écrivain et essayiste voyage en Suisse, à Berne, là où est né et enterré le peintre.
D’emblée, dès les premières lignes de Paul Klee jusqu’au fond de l’avenir (également aux éditions Arléa), sont convoqués l’imaginaire de Stéphane Lambert, son cheminement dans la mémoire, la perception et l’imagination (thèmes clés qui se déploieront tout au long de cet ouvrage) et ce, au départ d’une question : « L’investigation se heurte à l’irrésoluble de la question première : de quelle volonté suis-je l’instrument ? » Question éminemment sensible s’il en est, puisqu’elle implique autant une réflexion sur la perception elle-même que la nécessité d’une acuité réceptive dans ce que vient réveiller le contact avec une œuvre aussi bouleversante. Stéphane Lambert plonge dans la matière même des tableaux de Paul Klee, dans ses techniques picturales, dans les motifs récurrents de son œuvre pour donner à percevoir le souffle qui irrigue ses créations.
Divisé en cinq chapitres comme autant d’étapes de son voyage, chacun portant un titre emprunté à Paul Klee, l’écrivain fait émerger un lien entre voyage et paysage, par le prisme du travail du peintre. Il descend dans les abscisses et coordonnées, autant spatiales (« jusqu’au fond ») que temporelles (« de l’avenir »), de l’histoire de Paul Klee : sa vie en Suisse, le lien avec l’Allemagne nazie et la présence de la maladie et de la souffrance.
Convertir la nature en style, tel était l’objectif alchimique de son regard. Le paysage est bien plus qu’un support sous ses yeux, le regard qu’il lui porte ne l’en différencie pas : l’homme fait partie intégrante de la nature.
Visions, mythes, sens cachés : tels sont les éléments que Stéphane Lambert explore dans l’œuvre de Paul Klee, en adjoignant au fil de son essai des reproductions des travaux du peintre, en évoquant d’autres civilisations. Convoquant en exergue Merleau-Ponty et Agamben, ce texte déploie une belle réflexion sur ce qu’est la mémoire d’une œuvre qui fait fi du temps : « Chaque œuvre est un instant arrêté dans cette lecture intime du monde. »
Charline Lambert