Un coup de cœur du Carnet
Monique BERNIER, La chambre du premier, M.E.O., 2021, 189 p., 17 €, ISBN : 978-2-8070-0302-6
Voilà vingt-sept ans que Sylvie est partie vivre en Australie avec son mari. Vingt-sept ans sans donner de nouvelles à sa famille ni en prendre. Vingt-sept années d’absence, de silence, de solitude, à attendre que ses enfants soient indépendants, pour se dégager de l’emprise de cet homme bien loin de celui qu’elle pensait épouser. Vingt-sept ans après avoir laissé sa famille derrière elle pour lui, elle les laisse, lui et leurs enfants, pour la retrouver. Enfin, « famille » est un bien grand mot : aucun lien avec sa mère, depuis toujours ; pas d’affinités avec son frère aîné ; seule sa grand-mère compte, elle qui l’a élevée après la mort de son père dont elle n’a pour souvenir qu’une image figée sur une photographie.
Mais Mamy n’a pas pu attendre vingt-sept ans. Presque… Il s’en est fallu d’une poignée de semaines. Et la chaleur des retrouvailles espérées avec sa grand-mère laisse place à la froideur de celles inattendues avec son frère. C’est lui qui lui apprend la triste nouvelle, sans ménagement, et puisqu’elle est de retour, elle l’accompagnera chez le notaire. C’est donc ensemble qu’ils découvrent qu’ils partagent l’héritage avec un inconnu, et ensemble qu’ils se mettent à la recherche de leur histoire familiale. Entre confrontations de leurs souvenirs et découvertes de secrets bien gardés, frère et sœur font enfin connaissance, remettent en question leurs certitudes et remontent le fil d’un passé dissimulé.
La chambre du premier rappelle les sagas de l’été de la grande époque de ce genre télévisuel : retour après une longue absence, retrouvailles teintées de ressentiments, découverte de secrets de famille, quête de vérité et de racines et tissage de liens familiaux autour de l’exploration du passé. Le suspense est lui aussi au rendez-vous, la surprise également. Et l’avantage du roman sur le feuilleton des années 1990, c’est qu’on n’a pas à attendre la semaine suivante pour connaître la suite.
Car Monique Bernier sait attirer et maintenir l’attention de ses lecteurs. Dès la première page et jusqu’à la dernière. L’histoire est fluide, ne souffre aucune longueur, pas le moindre atermoiement. Rien n’est expédié pour autant, le dosage est précis. On glisse d’un chapitre à l’autre, en pardonnant les rares et inoffensifs accros tant on est captivé-e par la rencontre avec ces personnages. Principaux ou secondaires, complexes, réalistes, profondément humains. Est-ce parce que l’autrice est aussi psychologue que ses personnages sont campés si élégamment, tout en nuances ? En tout cas, c’est avec bienveillance et compréhension qu’elle raconte leur histoire.
Estelle Piraux