Antoine WAUTERS, Le musée des contradictions, Editions du sous-sol, 2022, 112 p., 16 €/ ePub : 11,99 €, ISBN : 9782364686335
On le sait depuis (presque) toujours, on l’a saisi dès ses débuts, déjà dans un livre comme Césarine de nuit, la voie écrite d’Antoine Wauters serait la voix humaine. Une voix qui transcende les personnages – elle les révèle, les manifeste, les découvre, les déborde. Les ex-ternalise. Ainsi que l’écrivain nous le confiait lors d’un entretien pour la revue Vacarme (2019) : « Il est très difficile pour moi de parler de personnages parce que je ne peux le faire sans penser d’abord à leur voix, à leur langue. Ils ne tiennent que de cette façon. Le personnage principal de l’histoire, c’est l’écriture, la langue ».
S’il n’y avait que deux voix dans l’intense et chaleureux Mahmoud ou la montée des eaux (prix Marguerite Duras et prix Wepler, 2021), celle du vieux poète syrien à bord de sa barque sur le lac el-Assad et celle de sa femme amoureuse de poésie, elles se multiplient dans Le musée des contradictions. Ici, elles disent en solo, en duo, elles disent à la place de l’autre, elles disent en chœur, à l’unisson, en diffraction. Elles s’adressent à un juge, un président, à une femme adorée, une voisine, aux maris (elles sont souvent féminines), etc. ; en fin de compte (conte), elles s’adressent au lecteur, à la lectrice qui les reçoit en plein cœur – les voix passent à travers la raison comme à travers les parois.
Elles sont,
les voix,
en deçà et au-delà,
elles viennent de
et vont au
cœur
des choses,
des événements,
des sentiments.
De la vie.
Jusqu’à nous déstabiliser,
nous emporter dans ce monde au bord
du gouffre,
du vide ;
un monde détraqué, qui court à sa perte ;
un monde séparé de l’enfance ;
un monde d’avant le désastre climatique, apocalyptique ;
un monde en cendre,
fou de croissance,
avec en sus
la démocratie mis à mal ;
l’humanité, n’en parlons pas.
Ce monde :
le nôtre.
Et comme dans chaque livre d’Antoine Wauters, malgré la dureté des propos, de la désillusion, se dégage, dialectiquement, une douceur, un appel à la vie, à la liberté, à l’enfance, et aussi et surtout, une invitation à la joie.
La joie,
elle est là,
affleurant,
à portée de mots,
à l’envers de la boue ;
elle est là,
dans la langue poétique
d’Antoine Wauters.
Elle est là,
comme un endroit pour
(continuer à)
vivre.
Elle est là : venue de la littérature (Italo Calvino, Sylvia Plath, Ingebord Bachmann, Cormac McCarthy…), « loin de l’autre langue, celle que l’on nous enseignait et dont la présence a menacé notre société ».
Elle est là :
sauvage et salvatrice.
Enchanteresse.
Pour n’exister plus qu’en chantant.
Michel Zumkir
En savoir plus
- Antoine Wauters : quand des coeurs battent dans des grottes (Le Carnet et les Instants n°202)
- La fiche d’Antoine Wauters sur Objectif plumes