L’essence de la vitalité

Marianne VAN HIRTUM, La vie fulgurante, Arbre de Diane, coll. « Les deux sœurs », 2021, 92 p., 12 €, ISBN : 978-2-930822-20-4  

van hirtum la vie fulguranteL’arbre de Diane vient de rééditer quelques textes de Marianne Van Hirtum dans sa collection « Les deux sœurs », qui « entend révéler des voix de femmes ».

Marianne Van Hirtum est née en 1935 à Bricniot (Saint-Servais, Namur) dans « un endroit réputé pour ses sources et ses fées ». De santé fragile, elle évite l’école en suivant des cours privés dispensés par des religieuses. Rapidement, elle part vivre à Paris, laissant au pays un père directeur d’hôpital psychiatrique et une mère bigote.

Elle dit n’exercer aucun métier, « pas même celui d’artiste », parce qu’elle n’en aime aucun. Elle écrit, dessine, construit des marionnettes.

À Paris, elle côtoie Pierre Seghers et Jean Paulhan qui publient ses poèmes de jeunesse (1953 et 1956). Elle rejoint ensuite le mouvement surréaliste d’André Breton dont elle dit « je suis née dedans. Dès avant ma naissance, il devait être inclus dans mes vertèbres, dans mes cellules. Puis, comme je suis un être de pur instinct, ces vertèbres et ces cellules m’ont conduite vers lui ».

Marianne Van Hirtum vit en « sauvage des villes » dans un appartement où règne l’insolite avec des objets funéraires détournés et des animaux inattendus comme des reptiles. Elle meurt à Paris en 1988.

La vie fulgurante est une compilation de poèmes parus dans les années 1970 et 1980 chez Rougerie et qui nous permet de la (re)découvrir. C’est aussi le quatrième livre de cette collection reconnaissable à sa teinte qui balance entre violet et fuschia (et qui pourrait bien être ce que le nuancier Pantone appelle Purple Orchid).

Les titres (l’hymne au grand parapluie, les lunettes incendiées, à la fontaine des démences, le cheval-arquebuse) de Marianne Van Hirtum autant que les textes intriguent en ce qu’ils donnent accès à des images nombreuses et fortes, inspirées par le surréalisme. Il règne là une énergie, circule une sève qui laissent une impression en mille brisures de couleurs, proche de ce que l’on vit quand on regarde un peu trop longtemps en direction du soleil.

Un enchantement de première main
succéda à la nuit
– de cette nuit trouble nous ne parlerons guère.
Nuit épaisse comme la chenille fructifère
des vouloirs
honteux d’être toujours eux-mêmes
aux abois du ciel – qui n’est ni bleu ni noir
mais de prisme aveuglant. […]

Tigres charmants
qui allumez la belladone
bêtes fleuries de soies
écartez de nous le péril
qui est d’exister mal
en n’étant pas […]

Mais chaque soir
un grand animal de laine
monté sur ses béquilles
frappe à ma porte
avec les lettres de la nuit 

Outre les textes, on retrouve dans La vie fulgurante six dessins de l’artiste elle-même. Des dessins organiques, ethniques, qui ont quelque chose de l’art premier (masques et/ou totems précolombiens peut-être), où yeux et bouches béantes s’emmêlent pour nous emmener sur d’autres rives. Celles des rêves ?

La couverture de La vie fulgurante, nous donne à voir, aussi, une photo, portrait de l’artiste dans ce qui ressemble à une carcasse de voiture. Clope en bouche, elle fixe l’objectif. S’apprête-t-elle à nous révéler ce que serait la vie fulgurante ? Toutes choses qui rendent plus vivant. L’essence de sa/la vitalité ?

Amélie Dewez

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