Archives par étiquette : Arbre de Diane

Lever l’encre

Catherine BARREAU, Tes cendres, Arbre de Diane, coll. « Les deux sœurs », 2023, 81 p., 15 €, ISBN : 978-2-9300822-27-3

barreau tes cendresL’écriture intensément poétique de Catherine Barreau s’affranchit du romanesque. Après quatre romans – dont La confiture de morts primé par le Rossel en 2020 –, l’autrice publie, dans la collection « Les deux sœurs », aux éditions L’arbre de Diane, son premier recueil de poèmes, d’une incandescence qui ressuscite d’entre les mots.

Ta
Mort
Pendant
le Grand
Confinement
À bout de souffle court
Pas de visite Pas de virus Pas d’emmerdeur […]
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Prêtez-nous vos yeux

Florence MINDER, Faire quelque chose. (C’est le faire, non ?), Arbre de Diane, 2022, 92 p., 13 €, ISBN : 9782930822228

minder faire quelque choseActrice et metteuse en scène, Florence Minder co-dirige la compagnie de théâtre Venedig Meer, basée à Bruxelles et qui défend « la fiction comme un lieu de pensées, d’innovation et de survie ». Autrice de plusieurs seule-en-scène, performances et autres pièces en collaboration avec différentes structures, Florence Minder semble trouver le terreau (très) fertile de sa (stupéfiante) créativité dans le collectif, l’hybride, le pas de côté. Faire quelque chose. (C’est le faire, non?) a vu le jour sur les planches de Mars-Mons Arts de la Scène en septembre 2020 ; un « instantané » de cette pièce, saisi à l’automne 2022, a donné lieu à cette première publication de l’autrice dans la collection « Les deux sœurs » de l’Arbre de Diane. Continuer la lecture

Camille Pier : un corps en marche

Camille PIER, Scandale !, Préface de Vansay Khamphommala, Arbre de Diane, coll. « Les deux sœurs », 2022, 138 p., 13 €, ISBN : 9782930822242

pier scandale!Pulsé en vingt-neuf textes, le recueil Scandale ! importe dans l’espace clos du livre les rythmes de la poésie performée. Translittération de l’oralité à l’écrit, slaloms dans une langue directe qui creuse des veines où vivre, où arracher un théâtre de la vérité, un théâtre de je, alter egos ou alter sans ego fixe, le recueil de Camille Pier, ponctué de dessins, livre ode, livre gode sans plus de God, livre oraison et scènes de combats intimes dans une langue écorchée, rapiécée, en équilibre sur le déséquilibre du réel intérieur et extérieur. Co-créateur avec la biologiste Leo Palmeira du spectacle-conférence La nature contre-nature (tout contre), performant de la poésie slam sous le nom de Nestor, expérimentant le cabaret sous le nom de Josie, intégrant le collectif de cabaret queer « Not Allowed- Glitter’s Time », comédien, chanteur, Camille Pier explore du dedans le « Je est un autre » et place sa création sur la crête des devenirs — devenirs iel, tigre, pierre. Chants de douleur, de colère, de contestation des normes, des assignations genrées binaires, urgence de la libération qui se cherche des issues, cheminement conjoint d’un corps qui élargit, excède l’anatomie et d’une langue qui se réapproprie des territoires de l’oralité : l’androgynie est tout à la fois brandie, excavée, construite, balancée dans une prose qui conspue l’arnaque, les grenouilles de bénitier, les chairs emprisonnées. Continuer la lecture

Pleinement corps

Un coup de cœur du Carnet

Maud JOIRET, JERK, Arbre de Diane, coll. « Les deux sœurs », 2022, 12 €, ISBN : 978-2-930822-21-1

maud joiret jerkD’une ténacité comparable à celle d’une plante de bitume, l’écriture de Maud Joiret brise le socle des représentations, le roc des habitus dans lesquels nos corps sont empêtrés. Le premier opus de la poétesse, Cobalt (récompensé par le Prix de la Première Œuvre de la Fédération Wallonie-Bruxelles) en traçait déjà le sillon. Cobalt explorait la (dé)construction du « moi », colorant de bleu les particules qui s’échangent entre le dehors et le dedans par le prisme du 27e élément du tableau périodique de Mendeleïev. Continuer la lecture

L’essence de la vitalité

Marianne VAN HIRTUM, La vie fulgurante, Arbre de Diane, coll. « Les deux sœurs », 2021, 92 p., 12 €, ISBN : 978-2-930822-20-4  

van hirtum la vie fulguranteL’arbre de Diane vient de rééditer quelques textes de Marianne Van Hirtum dans sa collection « Les deux sœurs », qui « entend révéler des voix de femmes ».

Marianne Van Hirtum est née en 1935 à Bricniot (Saint-Servais, Namur) dans « un endroit réputé pour ses sources et ses fées ». De santé fragile, elle évite l’école en suivant des cours privés dispensés par des religieuses. Rapidement, elle part vivre à Paris, laissant au pays un père directeur d’hôpital psychiatrique et une mère bigote. Continuer la lecture

Joëlle Sambi : langue-caillasse et danse hantée

Joëlle SAMBI, Caillasses, Texte liminaire de Lisette Lombé, Illustrations Maïc Batmane, Arbre de Diane, coll. « Les deux sœurs », 2021, 120 p., 12 €, ISBN : 9782930822198

sambi caillasses 1Sur la frontière entre Bruxelles et Kinshasa, entre l’oralité et le geste écrit, entre poétique sauvage et politique militante, Joëlle Sambi se tient, dressant une scène nomade, électrique où, portés par un vœu performatif, les mots font lever des corps. C’est de l’intérieur des oppressions séculaires, du creux d’une Histoire de sang et d’humiliations dans laquelle la Belgique et l’Occident ont plongé le Congo que les poèmes, les slams, les nouvelles, les créations radiophoniques de Joëlle Sambi s’arrachent. Au fil de trois rounds poétiques, scandés par des trouées de lingala, les registres de la colère, de la déclaration de guerre à la guerre, d’un cri collectif, d’un érotisme lesbien sont explorés. Sous la forme de l’explosion, d’une parataxe décapante, elle mène de l’ombre à la lumière ceux et celles qu’on a enfermés dans l’inexistence, les badigeonnés de silence. Continuer la lecture

Un joyau nécessaire au creux des mains

Victoire de CHANGY, La paume plus grande que toi, Arbre de Diane, 2020, 121 p., 12 €, ISBN : 978-2-930822-17-4

Nour a dix mille visages
et change à chaque seconde
ses cils
ses jambes s’allongent déjà
et le temps de détourner les yeux de lui
pour retrouver l’ancien Nour
sur les photographies
le temps d’y revenir
Nour
est
à nouveau
nouveau

Dans ce premier volume d’une trilogie annoncée, le temps s’immobilise, reprend, ralentit, redémarre, nous offrant des épisodes contemplatifs dans lesquels, par petites touches, Victoire de Changy illustre, avec douceur, sa maternité. Elle nous plonge dans l’avant et l’après naissance de Nour, son fils, et nous permet de suivre cet enfantement, de le vivre, avec elle, en elle, intimement et intensément. Continuer la lecture

De la « pEAUésie »

Poèmes de pluie. Une proposition de Mélanie Godin, CFC et Arbre de Diane, coll. « Regard sur la ville », 2019, 18 €, ISBN : 978-2-87572-046-7

Il est un cliché tenace, pourtant exact, à propos de la Belgique : il y pleut constamment. Mélanie Godin et son équipe en auront tiré parti, en proposant de la « pEAUésie » en plein cœur de Bruxelles.

De 2017 à 2019, Mélanie Godin a imaginé et coordonné des interventions artistiques dans Bruxelles, à la rencontre de ses habitants, invitant chacun à (ré)introduire de la poésie dans son quotidien.

Des poèmes, d’ici et d’ailleurs, écrits par des poètes reconnus ou lors d’ateliers d’écriture, ont été typographiés sur des pochoirs en carton et appliqués dans l’espace public, à l’aide d’une peinture uniquement visible au contact de l’eau. Indécelables jusqu’alors, les poèmes apparaissent comme par magie sous l’effet de la pluie ou de jets d’eau, à même un trottoir, sur une marche, un mur. Puis ils disparaissent à nouveau, dans l’attente d’un nouvel arroseur.  (Note de l’éditeur) Continuer la lecture

Récits du monde végétal

Christine VAN ACKER, L’en vert de nos corps, Préface de Vinciane Despret, Arbre de Diane, coll. « La tortue de Zénon », 2020, 228 p., 15 €, ISBN : 978-2-930822-15-0

Pour évoquer le monde végétal que le savoir dominant de l’Occident a ignoré pendant des siècles, Christine Van Acker a choisi de nouer deux registres, ceux de la poésie et de la science jusqu’à brouiller leurs frontières, montrant l’artificialité des découpes entre champs de connaissance. Livre-jardin, livre-forêt, rythmé par un essaim de citations qui pollinisent le texte, L’en vert de nos corps nous fait pénétrer dans les mélodies du végétal. Par les sens et les vertus de l’écoute, en collant l’oreille au tronc des grands silencieux, en prêtant attention aux fleurs, aux arbres, aux légumes, non pour ce qu’ils nous procurent comme bienfaits mais pour eux-mêmes. Continuer la lecture

L’exploration perspectiviste de Maxime Coton

Maxime COTON, Pages vivantes, Poème de réalité virtuelle, Images de Jamil Mehdaoui, Trad. en anglais par Lia Swope Mitchell, L’Arbre de Diane, 2019, 12 €

Ovni littéraire, livre interactif qui se double d’une installation, Pages vivantes de Maxime Coton se présente comme un livre-objet multiformel composé d’un long poème en français et en anglais que le lecteur peut lire mais aussi écouter et voir en insérant son smartphone dans les lunettes 3D fournies. Embarqué dans une expérience perspectiviste, chaque lecteur peut opter pour l’une ou l’autre porte d’entrée, préférer la succession du lisible, du sonore et du visible ou embrasser leur simultanéité. Maxime Coton crée une aventure sensorielle qui permet de réinterroger, d’une part, les spécificités propres à la lettre, à l’image et au son, d’autre part, leurs croisements, leurs interférences. Continuer la lecture

La réception des génies

Paul POURVEUR, Aurore boréale, Arbre de Diane, 2019, 12 €, ISBN : 9782930822112

Pourveur aurore boréaleNombreux sont les textes de théâtre qui ne sont faits pour durer dans l’au-delà de la représentation. Ils ont été écrits dans ce sens et résistent souvent à la lecture. Cette question de la lecture du théâtre a été le centre de nombreux débats et entreprises éditoriales depuis ce qu’il était convenu d’appeler le retour des auteurs il y a une quarantaine d’années (citons ici Lansman qui fit de cette pratique le blason de sa maison). Continuer la lecture

Claire Lejeune, « voix pourpre » et « contrebandière de la pensée »

Claire LEJEUNE, Pour trouver la clé, il fallut perdre la mémoire des serrures, textes inédits choisis par Anne André, Danielle Bajomée et Martine Renouprez, Arbre de Diane, coll. « Les Deux Sœurs », 2018, 96 p., 12 €, ISBN : 978-2-930822-10-5

La prose poétique, les essais de Claire Lejeune (1926-2008) sont placés sous le signe de la fulgurance, d’une poétique radicalement novatrice qui entend décloisonner les savoirs, les expériences afin de traverser les chapes du pouvoir, de la domination et de recontacter les promesses à venir des origines. Dans les années 1960, La gangue et le feu, Le pourpre, La geste, Le dernier testament, Elle signent l’avènement d’une parole qui noue indissolublement naissance à soi hors des rets du patriarcat, expérience mystique d’un verbe politique et poétique, subversion des piliers d’une civilisation qui a muselé les femmes. De se dire, les sans-voix montent à l’existence, gagnent un processus de subjectivation que Claire Lejeune place sous le signe de l’ouverture à l’autre de la raison et aux terres du symbole. « Nous ne faisons pas la poésie. Elle nous fait de nous défaire » écrivait-elle. Continuer la lecture

Le jardin extraordinaire

Leonor PALMEIRA, Camille PIER, La Nature contre-nature (tout contre), L’arbre de Diane Editions, coll. « La tortue de Zénon », 2016, 80 p., 12 €

palmeiraIl s’en passe des choses dans la nature. Des choses que l’on n’imagine pas, que l’on ne veut pas voir, ou que l’on nous cache parce qu’elles rendraient chèvre l’ordre établi. Celui, par exemple, de la différence entre les hommes et les femmes, cette fameuse différenciation sexuelle qui serait le dernier rempart contre la confusion identitaire, l’ultime argument pour défendre la famille traditionnelle. Que n’a-t-il pas fallu entendre, en France, au moment des débats pour le mariage pour tous – et toutes ! Quelles couleuvres n’a-t-il pas fallu avaler ! Même si, au fond, on peut être d’accord avec Juliette Gréco quand elle chante « La nature complique jamais inutilement / Y’a que les hommes pour s’épouser ». Mais la nature est plus égalitaire que la société humaine ; dans le règne animal c’est : le non-mariage pour toutes et tous. Continuer la lecture

Science et littérature, à la recherche d’un noyau dur

Pierre MALHERBE

geodesiquesLe discours scientifique et la littérature font-ils bon ménage ? En matière littéraire, la chose paraît avérée, si l’on se réfère, au hasard, à de grands auteurs tels que Cyrano de Bergerac, Aldebert von Chamisso, Jules Verne, Villiers de l’Isle-Adam, H. G. Wells, ou, plus proches de nous, Pierre Boulle (La Planète des singes), Raymond Queneau (Cent mille milliards de poèmes), Umberto Eco (Le Pendule de Foucault) et encore François Schuiten et Benoit Peeters (La Fièvre d’Urbicande). Mais il apparaît très vite que l’inverse n’est pas vrai : peu de scientifiques puisent la matière de leurs recherches dans la littérature au sens général, et pour cause. Les sciences ont très peu à voir avec le roman et la poésie, à peine davantage peut-être avec la philosophie, quand on considère par exemple un chercheur exceptionnel comme Einstein. Continuer la lecture