Nostalgique Belgique

Rose-Marie FRANÇOIS, Belgiques, Ker, coll. « Belgiques », 2022, 118 p., 12 €, ISBN : 9782875863249

francois belgiquesSi la quatrième de couverture annonce que la collection « Belgiques » rassemble des recueils de nouvelles, ce n’est pas le cas pour le présent volume.  Pas de fiction-s en l’occurrence, mais une mosaïque de souvenirs de l’autrice, souvenirs de son enfance, de sa scolarité, de sa carrière de professeure, de « vraie Belge multilingue », de son œuvre, de ses voyages, de ses rencontres.

La Belgique de Rose-Marie François commence en mai 1940 quand, à 6 mois, elle est emmenée avec sa mère et sa tante sur les routes de France par son grand-père.  Dans cette Belgique en guerre, on écoute Radio-Londres, on – des parents, des proches, des voisins – cache des réfractaires à la cave ou dans des granges, on soigne des résistants…. mais il ne faut bien sûr par le dire.

La Belgique de Rose-Marie François, dans Dessine-moi une Belgique, est encore noire-jaune-rouge, européenne déjà, lettone, picarde aussi, même si la narratrice se souvient avoir dû écrire dix fois, en guise de punition, « Je ne dois pas parler patois », sur son ardoise avec sa touche.

Cette Belgique de Rose-Marie François est celle du Concours Reine Elisabeth qu’on écoute à la radio, du De viris illustribus qu’on achète au moment d’entrer au Lycée (Bervoets), des camps de jeunesse de la JCEF, avec les jeux de piste et la veillée autour du feu de camp, veillée à laquelle tous les villageois ont été conviés à grand renfort d’annonce faite au son « de louches et d’écumoires, frappant sur des couvercles de marmite ».  Pour les soirées feu de camp, « Nous répétons des saynètes : la jeune vendeuse à qui l’on apprend qu’il ne faut jamais remballer la clientèle sans avoir proposé un article, du genre : ‘Nous n’avons pas de verres à eau en ce moment mais nous venons de recevoir de très beaux verres à bière.’  Donc l’apprentie y va en toute docilité : ‘Le papier de toilette est en rupture de stock mais nous venons de recevoir du très bon papier émeri.’  Oui, cela nous faisait rire. Nous avions douze ans. Ni GSM ni même la télé ! »

Les descriptions ressuscitent une époque bien révolue « dans un monde qui ignore tant la pilule que le préservatif. »  Voyez la Bibliothèque Centrale de Liège : « La première chose qui s’offre à nous est un ensemble de longs tiroirs de chêne clair remplis de fiches : des rectangles de papier fort, soigneusement manuscrits, enfilés sur des tringles et classés là par auteurs, ici par thèmes.  C’est le catalogue.  […] Attablons-nous, sortons nos livres, nos cahiers spiralés, notre paquet de fiches vierges.  Dévissons un stylo rempli le matin même à l’encrier – les cartouches sont encore réservées à la chasse et à la guerre. »

Entre scènes nostalgiques, drôles (quand une mère de famille vient remercier la jeune professeure Rose-Marie… d’avoir osé tenir tête à son fils !) familiales ou futuristes, le style est varié, parfois poétique, parfois surréaliste, souvent surprenant. 

On découvre (ou retrouve) au fil des pages une Belgique aux éclats, vue à travers le prisme de la vie de l’autrice et du coup, il est possible ou même probable que pas mal de moments ou de personnages évoqués parlent d’un temps que les moins de… 68 ans ne peuvent pas connaître et il y a fort à parier que Françoise Laroche, Inese Petersone ou encore Jeannine Chérel n’évoquent rien pour une majorité de lecteurs.

On regrettera par ailleurs que l’éditeur ne mentionne nulle part les autres titres de la collection et leurs auteurs.

Marguerite Roman

Plus d’information